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Prix littéraire des collégiens 2007 – Alia

Par • 3 avril 2007 à 1:53

En vue de la remise du Prix littéraire des collégiens 2007, qui verra un auteur québécois récompensé le vendredi 13 avril prochain au Salon du Livre de Québec, nous vous proposons aujourd’hui la critique des cinq titres en lice cette année, histoire de faire vos pronostics. Le premier à subir le test est le roman Alia signé par Mélikah Abdelmoumen et publié chez Marchand de feuilles.

La violence amène trop souvent à la violence. Même pas besoin de lever la main : un cri, un regard trop dur ou une hypocrisie mal voilée suffisent pour marquer l’esprit d’une enfant. Toute petite, Alia Ben Fasser en a soupé, de ces climats malsains qui vous briment les jeunes refrains. Une fois adulte, devenue auteure versant dans l’autofiction baveuse, pour ne pas dire dégoulinante de fiel, Alia profite de sa tribune littéraire pour mordre les mains qui ont nourri son amertume. Ce qui n’a pas l’heur de calmer la tempête qui lui bouffe la tête. Pendant qu’un artiste français aveuglé par sa petite personne et qu’un modeste philosophe peu à peu épris d’elle s’occupent de piétiner le tapis d’entrée de son cœur. Miroir du vrai et du faux, ou l’art de se façonner une identité.

Au service d’une langue crue parfois teintée d’une imagerie onirique, Mélikah Abdelmoumen ne semble pas avoir voulu faire de cadeau à ses éventuels lecteurs. Son héroïne ressasse ses mauvais souvenirs comme on boit du café noir : par habitude, sans trop y croire, mais avec la désagréable impression qu’on y reviendra bien assez vite. Autrement dit, son Alia affiche une mine autodestructrice qui n’a de séduisant que le mystère entourant ses écrits, et ne participe donc en rien à un possible processus d’identification. Heureusement pour elle – et pour nous –, elle évolue à mi-chemin entre deux extrêmes, à savoir le mépris incarné et l’idéal romantique. Le performer Henri M. Dolbeic emprunte le premier trait, lui qui survient dans la vie d’Alia pour tout chambouler, sans égard à leur santé mentale. Tandis que Blaise Robert, son nouvel amour qu’elle n’arrive pas à embrasser du regard, est prêt à l’attendre et à surmonter avec elle ses doutes fondateurs et ses plaies ouvertes.

Peut-être pas si calculé, l’équilibre de cette histoire intimiste qui en appelle au voyeurisme maintient toutefois dans un état d’alerte. L’envie nous prend de sonder la nature véritable d’Alia, prise entre deux eaux, l’une qui emporte tout sur son passage, l’autre qui coule comme rivière. Et en cette ère où nous payons de nos vies pour des sensations fortes qui se seront évanouies à notre réveil, les bons choix sont autant de mirages idéologiques. Avec un humour souterrain qui n’épargne personne, surtout pas ses propres labyrinthes, Abdelmoumen radiographie justement une société superficielle en revenant à l’essentiel : trouver la source de notre être et de notre devenir à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur, là où les miroirs ont la fâcheuse manie d’être déformants.

Une écriture de modernité pour une marche vers l’authenticité.

Alia, de Mélikah Abdelmoumen, 2006, Marchand de feuilles.

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Une Réponse »

  1. Je vous remercie pour ce texte si sensible et si bellement écrit. ça fait toujours chaud au coeur de découvrir qu’un texte auquel on a consacré tant d’années de labeur et de doute a été compris, presque exactement comme on le désirait, par une personne aussi talentueuse. Cela m’inspire pour la suite.

    Sincèrement, Mélikah

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