La Source : magnifiquement subtil (1960)
Par Richard Gervais • 15 février 2008 à 12:00
Qui d’entre nous n’a pas, un jour, dans un moment de déprime, fredonné la chanson La Source créée par Isabelle Aubret ? « Elle chante au milieu du bois…. », rappelez-vous. Le long métrage tourné sur le même sujet est une œuvre clé dans la filmographie du maître suédois Ingmar Bergman (Cris et chuchotements, Fanny et Alexandre, etc.).
Les belles histoires ne vieillissent pas, dit-on, et c’est précisément le cas de La Source, basée sur une ballade du XIVe siècle. Superbement photographiée en noir et blanc (par Sven Nykvist, éternel collaborateur de Bergman), cette production, loin d’être moralisatrice, touche notre corde sensible.
Fille unique, Karin (Birgitta Pettersson), blonde et belle comme le jour, est une adolescente gâtée par une mère trop tolérante. Fatiguée d’avoir trop dansé la veille, Karin refuse d’aller porter des cierges à l’église du voisinage. Son père (Max von Sydow) insiste. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, la jeune étourdie finit par céder et revêt sa plus jolie robe pour effectuer la livraison en compagnie d’Ingeri (Gunnel Lindblom), la servante de la maison, enceinte. Cette dernière déteste Karin.
En cours de route (chacune est à dos de cheval), les deux filles se chamaillent. Ayant peur du noir, Ingeri fait marche arrière. Frondeuse, Karin poursuit son chemin, seule. Elle paiera cher sa hardiesse, croisant par hasard trois voyous qui l’accostent, pour ensuite l’agresser sexuellement avant de l’assassiner. Entretemps, Ingeri avait changé d’idée et, suivant à distance sa maîtresse, elle assiste, impuissante, à l’odieux meurtre.
La fatalité joue un rôle de premier plan dans La Source, un peu à la manière d’une tragédie grecque. Par la suite, les auteurs du crime continuent leur parcours. Épuisés, ils s’arrêtent sur une ferme et y demandent le gîte pour la nuit, déclarant qu’ils sont en quête de travail. Le propriétaire des lieux – qui n’est autre que le père de Karin – les engage, ignorant qu’ils ont tué à sa fille. Les trois imprudents ayant besoin d’argent, ils offrent à la mère de Karin une grande robe blanche… légèrement tachée de rouge. La dame reconnaît le vêtement favori de sa fille et en avise son mari.
La famille décrite dans La Source accorde une importance à la religion qui peut nous paraître démodée aujourd’hui. Bien que les dialogues soient parfois un brin simplistes, le récit nous saisit sans nous épargner. Au cinéma, on a rarement vu les thèmes de la vengeance et de la rédemption être traités avec autant de délicatesse. Même la scène du viol – dont le réalisme donne froid dans le dos – est subtilement présentée. Fort efficace, la trame sonore accompagne solennellement l’interprétation parfaite de tous les acteurs. Résultat : La Source s’imprime à jamais dans notre subconscient.
Cet article est publié en collaboration spéciale avec http://www.calendrierculturel.com/
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