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ÉditorialPuisqu'il y a des choses qui doivent être dites, aussi bien les dire avec une verve franche et directe. Des sujets chauds, traités vivement sans trop de fioritures.

Une sinfonie de phôtes

Par • 6 mars 2008 à 12:04

Cète ceumène dan Le Soleye de Kébec, un artik trètais des performensses daiclinantte des zétudian kébécoit dan leure tesste de francè, tan au segondair ko céjep. Depui 2000, les tô de raiussitte son tan chutte libre. Doi ton pour autan san formalizé ?

 

« Les résultats aux épreuves de cinquième secondaire du ministère de l’Éducation, compilés par l’Office, montrent une dégradation des taux de réussite depuis 2000 (…)

 

(…) Même avec l’aide du dictionnaire et de la grammaire, les jeunes Québécois étaient seulement 58 % en 2004 à réussir le volet de la «forme». C’est principalement l’orthographe, avec un taux d’échec de près de 50 %, qui constitue leur plus gros talon d’Achille (…)

 

(…) Le portrait n’est pas plus rose chez ceux qui terminent leurs études collégiales et doivent, pour obtenir leur diplôme, rédiger une dissertation de 900 mots, avec l’aide d’un maximum de trois ouvrages de référence sur le code linguistique. Alors que les cégépiens réussissaient dans une proportion de 88,6 % en 1998, ils ne sont plus que 81 % à subir l’épreuve avec succès en 2005. »

– (Isabelle Mathieu, Le Soleil, jeudi 6 mars 2008)

 

Par leur côté puriste et élitiste, les bien-pensants de la langue française ont longtemps donné une image lourde de la langue française, une forme d’expression complexe et bourrée de règles d’exception qui la rendent plus souvent qu’autrement difficile à apprivoiser, tant pour le néophyte que le francophone de naissance. Une chance qu’elle est belle, cette langue, sans quoi plusieurs d’entre nous seraient en train de remercier Lord Durham d’avoir eu la gentillesse de nous assimiler in English sans trop attendre. Ceci dit, maintenant qu’on a accepté de parler, de vivre en français au Québec, il faudrait peut-être assumer nos dires.

 

On entend trop souvent que des mots qui n’existaient pas (des néologismes) et d’autres qui provenaient de langues étrangères ont fini par faire partie intégrante du dictionnaire officiel de la langue française. Ainsi donc, selon cette façon de penser, tant que les gens qui utilisent le « parler » français se comprennent, c’est suffisant ; laissons l’Histoire et l’évolution juger le reste en temps et lieux. Qui sait, peut-être que patente à gosses va devenir une expression primée parmi les hauts lieux de la langue française dans trente ou quarante ans, que le verbe noyer va devenir néyer par la force des choses, si l’on se donne le temps.

 

La tendance est indubitablement au libertaire. Plus aucun tabou, aucune règle ne mérite de ne pas être transgressée. Tout le monde fait ce qu’il veut, que ce soit quétaine, honorable, décadent, brillant, neutre, dérangeant, dégueulasse, choquant, amusant, etc. Alors pourquoi parlerait-on selon des règles qui sévissent de façon purement théorique sur notre façon de communiquer, que dis-je, sur notre manière de vivre depuis des siècles ? Pourquoi, en effet…

 

Pourquoi ? Parce qu’on prétend le faire. On prétend respecter cette langue, cette culture qui est la nôtre. Les étudiants du secondaire et du cégep, autant que ceux qu’ils précèdent et qui les ont précédés. À chaque Saint-Jean Baptiste, quand les Québécois, d’une seule voix, crient et chantent leur amour pour leur terre, la terre de leurs ancêtres francophones tout comme eux, ces mêmes Québécois devraient faire un examen de conscience. Est-ce qu’on aime le Québec à ce point parce qu’on vient de terminer sa septième Budweiser ? Ou l’aime-t-on pour ce qu’elle est, une langue compliquée, pleine de petites particularités, mais tellement belle qu’elle fait l’envie du monde entier ? Aimons-nous réellement cette langue, parlée par des centaines de millions de gens sur les cinq continents, apprise par des dizaines de milliers de francophiles de par le monde ? L’apprécions-nous vraiment pour ce qu’elle est, à sa juste valeur, ou seulement de façon circonstancielle, à temps partiel, entre deux massacres linguistiques parfaitement conscients et assumés ? Sommes-nous des menteurs ?

 

Appelons les choses par leur nom : si les étudiants réussissent moins bien en français que par le passé, c’est parce qu’il y a eu un relâchement. Une relaxation généralisée de la discipline, pas seulement de leur part, mais aussi de la part de leurs enseignants, des médias, des parents et des amis. Du Québec en général. Une langue et une culture, ça ne se défend pas en criant « Vive le Québec libre » avec une bière de trop dans l’nez à chaque 24 juin. Ça ne survit pas grâce à la pensée magique et à de bonnes intentions. Ça n’est pas vraiment une priorité si tout le monde se fout de la massacrer un peu, comme quelqu’un qui jette des détritus n’importe où et qui se déculpabilise en réduisant l’importance de son geste. Une langue et une culture comme la nôtre, ça nécessite un combat de tous les instants.

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5 Réponses »

  1. Premièrement, pauvre demeuré, « Kébec », ça s’écrit « Kébèque »! Blague à part, je pense que le combat de la langue a perdu sa vraie saveur. Au Québec, on défend le français par rapport à l’anglais, c’est tout. That’s it! On ne le défend plus face à sa propre auto-destruction. Enfin, beaucoup moins qu’on ne le pourrait. Tout le monde a droit à l’erreur. De mon côté, j’ai la chance d’avoir l’occasion d’écrire assez régulièrement et d’avoir appris à me corriger. Malgré tout, je glisse encore des fautes stupides dans mes textes (parions que j’en ai fait dans ce commentaire). Mais ce n’est rien à côté du laisser-aller flagrant d’un trop grand nombre de personnes. Qu’un anglicisme ou qu’une expression populaire se retrouve au dictionnaire, c’est peut-être l’évolution normale d’une culture, mais d’une autre part, c’est aussi l’acceptation d’une minime assimilation. Mais qui ou quoi faut-il blâmer ? Les cours de français ? Le gouvernement ? Ou alors chaque individu ne devrait-il pas prendre ses propres responsabilités ?

  2. Bon point. On a tellement peur des méchants Anglos qu’on oublie que l’ennemi, c’est nous aussi. On se laisse aller au point qu’on est en train de défendre des ruines culturelles et des restants linguistiques. Évidemment que tout le monde a droit à l’erreur, et personne n’est parfait (moi aussi je fais un tas de fôtes). Mais quand on travaille pour, quand on est vraiment conscient que c’est aussi une question de travail sur soi-même, je crois que l’effort paie.

  3. Et si l’on veut chercher des coupables absolument, il faut dire qu’avec le relâchement généralisé, il y a cette damnée réforme de l’éducation qui n’aide pas non plus.

  4. Accordé, la réforme de l’éducation est le massacre social le plus grave depuis le « virage ambulatoire ». Mais le problème est général. Faire des fautes, ce n’est même plus « in » : c’est pire, tout le monde s’en fout. Et c’est particulièrement humiliant quand on voit nos amis anglophones et allophones écrire et parler mieux que nous dans les médias.

  5. En fait, je vois cette réforme comme un nivellement par le bas institutionalisé, rien de moins. On forme plus de caves, point à la ligne. Le problème du français ne fait que s’inscrire dans cette démarche d’abrutissement généralisé. On peut ajouter à ça l’enseignement de l’Histoire comme un supermarché à exemples pour expliquer le présent (sans remise en contexte), l’enseignement des maths de manière non magistrale, etc. Bravo à tous…

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