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Chronique CaracteresSélection hebdomadaire d'un coup de cœur sur le site Caracteres.ca qui publie un texte littéraire par jour, sept par semaine, 365 par année...

Toute petite ma voi(e-x)

Par • 5 septembre 2011 à 10:38

Un texte de Marie-Josée Parizeau publié le 30 août 2011 sur Caracteres.ca.

Je suis arrivée chez Starbucks vers 9 h 05, mardi matin. Comme d’habitude, j’ai commandé un moyen latté au lait de soya ou, plutôt, un Grande soy latte. J’avais faim, mais les sèches viennoiseries trop chères qui étaient offertes m’ont fait ravaler ma salive.

Je me suis assise sur un fauteuil de similicuir, ma boisson et mon portable posés sur la tablinette devant moi. Word 2007 affichait un curseur impatient devant mon silence. À cet instant précis, j’ai voulu avoir la volonté d’atteindre la motivation d’écrire ma chronique hebdomadaire dans le journal du quartier.

« Ai-je perdu ma voix? Celle qui m’animait, qui me faisait écrire, chanter, protester… Elle se fait toute petite, j’aperçois la lueur d’un filet, si loin, inatteignable. »

Avant de saisir un premier caractère, j’ai jeté un bref coup d’œil autour de moi pour comprendre l’essence de ma communauté actuelle. En une fraction de seconde, toutes les couleurs de ce café urbain se sont affadies et une profonde tristesse m’a emboutie. Sans raison, j’ai voulu mourir, là, tout de suite.

« J’ignore ce que je fais ici, je me sens tellement seule et inutile. Ai-je joint les rangs des adultes normaux – automatisés – qui ne se posent pas de questions? Trop occupés à toujours faire ce qu’il faut, ni plus ni moins. Hurlant des réponses toutes faites aux sujets d’actualité : Les accommodements raisonnables? “Ben qu’ils s’en retournent chez eux si y sont pas contents ici!” Une chanteuse populaire alcoolique et toxicomane meurt? “Elle a vraiment couru après!”

Aucune profondeur, aucune capacité d’analyser les situations complexes et imparfaites causées par des gens imparfaits, ni tout blancs ni tout noirs, juste d’une couleur unique, invisible à ceux qui n’ont pas de voix. Ces gens imparfaits me fascin(ai)ent et m’inspir(ai)ent… quand je possédais la mienne. »

J’ai pris une première gorgée, histoire de me brûler la langue pour me rappeler que je suis vivante. La scène m’a remémoré L.A. Story, un de mes films préférés. Complètement absurde, il est néanmoins ponctué de pensées profondes et bouleversantes. De plus, bien qu’il n’y ait aucun rapport avec moi, ici chez Starbucks, l’histoire est terriblement romantique. Bref, comme le « wacky weatherman », il est possible que je sois malheureuse sans le savoir, trop occupée que je suis à être heureuse.


« Je sais toujours parler et écrire. Si seulement je savais quoi dire, j’exécuterais des pirouettes syntaxiques et mes figures auraient beaucoup de style. Mais je ne sais plus. Les combats intérieurs, les grandes questions sans réponse, la recherche de la teinte la plus juste plutôt que les couleurs extrêmes : le blanc ou le noir de l’esprit simple, je suis épuisée. Mes sourcils froncés en permanence témoignent de l’âcreté de mon état. Si je ne retrouve pas ma voix, ma première blessure de guerre sera cette vulgaire ride au milieu du front. »

Après près de douze minutes d’acharnement intellectuel, j’ai capitulé. Je ne savais pas quoi dire. Pourtant, la grande tristesse était partie pour laisser la place à la mélancolie : une nette amélioration, je ne voulais plus mourir, je ressentais plutôt le besoin de vivre, immédiatement. J’ai écrit : « Je veux ma voix, je veux ma voie. » et je suis partie.

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