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Chronique classiques du cinéIl y a de ces films inoubliables. De grands réalisateurs au grand écran... du grand cinéma pour de grands moments!

Le Juge Fayard dit le « Shérif » (1977)

Par • 1 juin 2011 à 6:21

Le cinéma politique a connu son apogée lors des années 70 grâce à de nombreux cinéastes comme Costa-Gavras par exemple, venu récemment à Montréal présenter son nouveau film « Eden à l’Ouest » lors du festival Cinémania. Toutefois, un des réalisateurs français les plus engagés du genre lors de cette période faste est Yves Boisset et ce film-ci, mettant en vedette Patrick Dewaere, est l’un de ses plus aboutis.

Le jeune juge d’instruction Jean-Marie Fayard possède un tempérament fougueux dans sa marche vers la vérité, et ce ne sont pas les protections politiques dont jouissent les suspects qui peuvent l’arrêter. Il fait une enquête à propos d’un hold-up dont l’un de suspects, malgré son supposé alibi, travaille pour une agence de sécurité mise sur pied par l’ancien commissaire de police Marcheron. Fayard cherche à prouver la complicité qui existe entre Marcheron et un gang de bandits mais l’ancien commissaire est retrouvé assassiné.

Fayard persiste néanmoins et avec l’aide de l’inspecteur Marec, découvre que ce gang de malfrats a des appuis politiques influents. Le chef du gang, appelé Le Docteur, aboutit en prison, mais il parvient à s’évader. Plus tard, le fameux gang réussit un gros coup en s’attaquant à un transport de fonds. Les malfrats ont cependant laissé derrière eux l’un des leurs, blessé, et celui-ci à l’hôpital révèle à Fayard qu’un dénommé Monsieur Paul est le véritable patron du gang. Le gangster blessé est cependant assassiné avant d’être interrogé une seconde fois.

Fayard n’en a pas moins constitué un important dossier compromettant, et malgré les menaces envers lui et sa petite amie Michèle, il parvient à prouver le lien existant entre le gang des Stéphanois, d’importants hommes d’affaires et des politiciens hauts placés de droite. Devenu extrêmement gênant, Fayard sera tué, mais il a pris de soin de laisser des preuves écrites et la vérité ne pourra être étouffée.

Ce film sans concessions démontre à quel niveau de qualité s’est rendu le réalisateur Yves Boisset dans son exercice de cinéaste de combat militant, engagé et social à cette époque. Inspiré de l’affaire du juge lyonnais Renaud, tué en 1975 parce qu’il avait établi un lien de complicité entre le gang des Lyonnais, des politiciens d’extrême droite et le S.A.C (Service d’Action Civique), ce film dérangeant eût maille à partir avec la censure lors de sa sortie alors que toute mention du S.A.C. dans le film dût être effacée de la bande sonore.

Quoiqu’il en soit, le film possède un scénario très complexe, mais conduit avec habileté par un Yves Boisset au sommet de sa forme, car l’armature de l’ensemble se tient. Quelques détails caractéristiques intéressants dans la peinture des personnages leur donnent la conviction voulue, et le thème de la corruption et de la lâcheté dans les milieux politiques et judiciaires est illustrée avec pertinence.

La mise en scène possède un style coup-de-poing et un ton explosif en donnant une allure trépidante à l’intrigue, ce qui témoigne de la volonté de Boisset de divertir le public tout en l’instruisant et en le faisant réfléchir. Par son style, il se démarque de Costa-Gavras et d’André Cayatte dans la façon d’exploiter au grand écran un sujet chaud d’actualité.

La puissance de ce film est donc indéniable et difficile à contredire. Patrick Dewaere met beaucoup d’énergie et d’ardeur dans l’incarnation du magistrat intègre Fayard, et il est bien entouré d’acteurs judicieusement choisis dans les rôles secondaires, à l’exception peut-être d’Aurore Clément.

Bien qu’il ne soit pas encore disponible sur DVD au Québec et que la complexité du sujet risque d’égarer un public peu informé sur l’Histoire ou l’actualité française, il s’agit d’un film à voir. Les récents scandales de corruption dans les milieux politiques québécois, qui ont fait la une des journaux au Québec, prouvent d’ailleurs que le thème de ce long-métrage est universel et qu’il n’a pas pris une ride.

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