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ÉditorialPuisqu'il y a des choses qui doivent être dites, aussi bien les dire avec une verve franche et directe. Des sujets chauds, traités vivement sans trop de fioritures.

Le (nouveau) péril jaune

Par • 31 mai 2007 à 0:00

Étant donné que ma chronique s’appelle Jour de paye, il fallait bien que je parle un peu de celles des Québécois et Québécoises. Parfois on la trouve trop basse, on ne la trouve jamais trop volumineuse. Elle peut impliquer trois malheureuses petites heures au dépanneur du coin le samedi matin pour l’étudiant, ou soixante heures pour le journalier qui fait de l’overtime. Quelques-uns y ajoutent des commissions, d’autres des pourboires. Certains pensent que leur pouvoir d’achat qui en résulte va en s’affaiblissant, certains autres cherchent à chaque année à dépasser le pourcentage de l’inflation annuelle. Et d’autres encore n’en ont plus du tout et cherchent à inverser la tendance à tout prix.

 

Et depuis quelques années, ce qu’on appelle le cheap labor vient faire de plus en plus mal aux salariés québécois. Surtout dans les régions-ressources comme la Côte-Nord, l’Abitibi, le Saguenay Lac St-Jean et le Nord-du-Québec, mais aussi dans la région métropolitaine. Ces travailleurs sous-payés d’ailleurs, souvent des sud-américains ou des asiatiques, sont traités de voleurs de jobs. Il semble que trois fois sur quatre, quand une usine d’ici ferme ses portes, c’est pour « relocaliser » ses opérations dans un endroit où les regroupements de travailleurs, aussi nombreux soient-ils, sont désorganisés, soumis, résignés. Et quand ça arrive, c’est inquiétant ; et quand quelque chose est suffisamment inquiétant, on panique.

 

Malheureusement, quand on panique, on risque de faire les choses tout croche. On oppose une résistance syndicale symbolique pour ne pas perdre la face, on se moque des commentaires des dirigeants qui parlent de nouvelle donne mondiale. On ne recule devant rien. Le problème, malgré toute ma sincère sympathie pour ces gens d’ici, c’est qu’en quelque part, leurs futurs ex-patrons ne bluffent pas : la donne n’est pas en train de changer, elle l’a déjà fait depuis un bon bout de temps. Les usines, surtout dans le secteur primaire, vont continuer à disparaître pour ensuite réapparaître quelques mois plus tard à Séoul, à Santiago, à Bogota, à Manille, à Sao Paulo, à Taipei, à Singapour. On dirait qu’il n’y a rien à faire, que le cheap labor a déjà gagné la partie. Pourtant, on dispose encore d’un net avantage  sur eux. Un avantage que l’on tarde à exploiter, et qui pourtant est évident.

 

Je ne détiens évidemment pas la connaissance infuse en économie, qui comporte des règles complexes et changeantes, mais il me semble que notre population fortement éduquée devrait s’empresser de diversifier ses secteurs économiques. Misons sur des domaines qui échappent à nos « rivaux », au lieu d’exacerber ces sentiments négatifs qui ressemblent parfois à une sorte de racisme en devenir. Quand une usine retire ses jetons, on s’empresse d’essayer d’en faire entrer une autre, qui répétera le même manège quelques années plus tard. Si le nouveau terrain de jeu des multinationales est devenu l’Asie et l’Amérique du Sud, personne ne pourra les en empêcher, sauf les demandes croissantes des travailleurs d’outre-mer, qui soit dit en passant commencent de plus en plus à prendre conscience de leur grande force. Un jour, ces grands joueurs économiques affronteront des syndicats chinois, malaisiens, mexicains, brésiliens de plus en plus fort. Rendus là, ils se démerderont bien sans nous. En attendant, délaissons donc notre vue à court terme pour profiter de notre atout en réserve : l’éducation. Et des secteurs économiques qui peuvent grandement en profiter, comme le tourisme, la biotechnologie, l’informatique, les communications et bien d’autres.

 

Nous sommes en avance sur des dizaines de pays sur le plan de l’éducation. Célébrons en force ses avantages au lieu d’en faire un simple luxe réservé à quelques-uns, ou une caractéristique plus utile que primordiale. Intégrons toutes les couches de la société, toutes les ethnies qui forment notre nouvelle mosaïque culturelle. C’est peut-être notre plus grande richesse, et la clé qui mène vers la solution à tous ces problèmes récurrents que l’on combat avec de vieux moyens dépassés.

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3 Réponses »

  1. Très bon texte mais je vais ajouter quelques points. Je suis superviseure dans un labo privé en chimie environnementale. Ça fait plus de 6 ans et demi que je travaille là et je peux te dire qu’il est de plus en plus difficile de recruter du personnel que ce soit technique ou non. Nous sommes en processus d’embauche depuis avril et il nous manque encore au moins 25 employés. Nous tentons d’engager le plus de québécois possible mais je suis forcée de te révéler que seuls 5 à 10% des CV que je reçois sont québécois. Et de ces québécois que je passe en entrevue, 50% se voient directeurs de compagnie dans les 5 années suivantes alors qu’ils sortent tout juste de l’école! On offre un salaire de départ près des 14$ de l’heure ce qui n’est pas énorme je l’avoue, mais on engage même les gens sans expérience sans problème. Les québécois qui finissent par accepter de travailler pour nous sont une faible minorité et ils restent dans la compagnie pour un maximum de 6 mois!

    Ils considèrent faire trop de temps supplémentaire et être sous-payés! Ils quittent pour le pharmaceutique où ils pensent être mieux traités et parfois ils reviennent!

    Ma compagnie encourage localement et nous ne négligeons pas personne en entrevue mais personne n’a envie de s’investir, tout ce qu’ils veulent c’est la paye! Sans dénigrer la nouvelle génération, très rares sont ceux qui sont vraiment motivés à s’impliquer dans leur entreprise et ce, à long terme!

    De plus, les écoles sont vides. 8 finissants en micro à sherbrooke l’an dernier, 24 en chimie-biologie à ahuntsic, environ l’équivalent en chimie-analytique, c’est décourageant! Il nous manque tellement de personnel qu’on se demande comment on va survivre jusqu’à Noël sans perdre 50% du monde en départs volontaires!

    Je ne suis pas pour le « cheap labour » et je n’accepte pas le fait que les compagnies veulent faire toujours plus d’argent mais quand la seule solution que je trouve à notre manque de personnel c’est d’automatiser nos analyses pour utiliser le moins de gens techniques, je suis déprimée moi-même !

    Alors si vous vous cherchez une job cet été, avec une petite base de chimie et beaucoup de motivation, envoyez-moi votre CV !

  2. Que de conséquences affreuses a la mise à la retraite des baby-boomers. Peut-être même que c’est une bonne chose que certaines usines s’en aillent ailleurs. Pas parce que c’est bien de mettre des québécois au chômage, non, mais c’est aussi parce que le problème du siècle au Québec est maintenant devenu le manque de main-d’oeuvre. Et disons que l’égo des nouveaux travailleurs n’aide pas vraiment, hein Amélie?
    Mais, soyons réalistes, qui vous fera payer votre pinte de lait le samedi matin au dépanneur si le dépanneur n’est pas capable d’engager personne parce que même les jeunes occupent les postes importants de la société?
    Nous devons remédier à ce problème grandissant qui nous mènera dans un désastre (surtout économique) à cause du manque d’expérience.
    Souvent mes parents m’ont dit : toi ta génération ne manquera pas de travail. Oui c’est vrai. Et si je m’ouvre les yeux présentement, c’est déjà commencé. Au nombre de pancartes « Employés demandés » que je vois partout, je me dis qu’il ne sera pas suffisant de n’avoir qu’un seul emploi non pour des raisons financières personnelles, mais surtout pour des raisons de société.
    Et Amélie je crois comme toi que la seule solution qui nous restera si rien ne change maintenant sera l’automatisation et la robotisation des domaines. Par chance que le Québec est une sommité mondiale dans ce domaine parce que nous serons probablement les premiers à en avoir de besoin.

  3. Mon entreprise regorge d’employés européens qui ont quitté leur pays car il n’y a pas d’emploi ! Mais en que c’est désastreux!

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