Lancement de la 32e saison de la LNI – Haïti et (re)nouveau… toit!
Par Nicolas Gendron • 1 mars 2010 à 3:43Bon an mal an, la Ligue Nationale d’Improvisation (depuis longtemps connue sous son acronyme de LNI) réjouit des hordes de fans de ses délires langagiers, de ses joutes théâtrales très physiques et de ses festins d’imaginaire! Sa 32e saison, qui a pris son envol le 15 février dernier, ne fera pas exception. D’abord, parce que l’institution culturelle qu’est la LNI s’est vue contrainte de se trouver un nouveau toit, le Medley ayant annoncé sa fermeture, et que le déménagement au Club Soda, s’il a semblé quelque peu déstabilisé les troupes, promet une ambiance plus intime, donc peut-être encore plus électrique. Ensuite, parce que ce lancement a eu lieu sous le signe de la solidarité, alors que Luc Senay a invité la foule à donner aux victimes haïtiennes du récent séisme (depuis, le Chili a vécu une horreur similaire!), par le biais des représentants de la Croix-Rouge présents ce soir-là : il faut dire que Senay et sa consœur Édith Cochrane ont contribué à la mise sur pied d’une ligue d’improvisation en Haïti il y a quelque temps, et on a d’ailleurs pu être témoin de ces balbutiements improvisés et touchants par le biais d’un court vidéo (ce que permettent les installations du Club Soda, intéressante nouveauté). Enfin, parce que l’alignement des équipes laisse entrevoir des recrues talentueuses et des vétérans qui ne s’en laissent pas imposer.
La soirée a démarré par un montage éloquent des moments marquants de la Ligue (on sent donc que cette nouveauté de la vidéo saura être exploitée régulièrement), des fantasmes pas si irréalistes de Robert Gravel à la fameuse citation de Michel Rivard adressée aux adolescents : « Lâchez la drogue et improvisez! » Une belle façon de rappeler tout le bagage d’un sport théâtral qui semble toujours en plein essor; du moins, c’est ce qu’on pourra vérifier lors des premiers États généraux de l’improvisation théâtrale, qui auront lieu à l’UQÀM du 25 au 27 mars 2010, avec la participation notoire de Robert Lepage. Un événement d’envergure, donc, présenté par le Théâtre de la LNI.
Le match d’ouverture du 15 février opposait les Jaunes aux Oranges, ceux-ci se révélant plus homogènes que leurs adversaires, prenant les devants dès le début avec une efficacité redoutable. Il faut dire que le trio masculin de l’équipe (Simon Boudreault, Laurent Paquin et Patrick Drolet) affiche un humour contagieux, une écoute sûre et un charisme indéniable, pendant que leur pendant féminin (Anaïs Favron, Marie-Soleil Dion et Ève Landry, remplacée ce soir-là par Ève Duranceau) possède l’art de camper des personnages crédibles, riches et complexes. Les Jaunes ne manquent pas de talent, mais la chimie n’est pas encore complètement au rendez-vous, malgré la présence du rassembleur Réal Bossé. Luc Senay, Jean-François Aubé, Anne-Élizabeth Bossé, Maryvonne Cyr et l’excellente recrue Florence Longpré, qu’on a trop peu vue, ont tous de la gueule, de la verve et de l’esprit, mais qu’ils devront composer à plusieurs s’ils veulent mener leur équipe vers de plus hauts sommets.
Comme l’arbitre Alexandre Cadieux semble apprécier les improvisations de longue haleine, elles ont occupé une place de choix dans la soirée, le hasard aidant. Neuf improvisations seulement ont pris forme, dont une plutôt cahoteuse de 16 minutes intitulée Un billet pour après, dans laquelle ont été déboulonnés les rêves de vedettariat de deux jeunes femmes naïves, toutefois incarnées avec aplomb par Anaïs Favron et Anne-Élizabeth Bossé, respectivement 3e et 2e étoiles de cette soirée. Heureusement, la partie avait commencé par un moment de grâce, alors que Marie-Soleil Dion et Réal Bossé croisaient le fer avec une rare complicité dans Crise de mâle, à la manière du dramaturge et cinéaste David Mamet, donc avec force vérités (crues) et un réalisme juste assez âpre pour pouvoir frôler la frénésie et la démence. Une interprétation de choix! Juste avant le deuxième entracte, une impro d’une drôlerie fulgurante avait ravi les spectateurs de façon unanime, alors que, Entre la vie et la mort, le spirituel Laurent Paquin, avec son sens de la répartie finement aiguisé, qui lui a valu la 1ère étoile du match, se disputait ses dernières minutes avec la Grande Faucheuse en personne, sous les traits d’un Simon Boudreault aussi badin que grognon! Pas pour rien que les Oranges l’ont emporté 5 à 4 au final; il faudra les surveiller de près tout du long de la saison, car ils pourraient fort bien ravir la Coupe Charade à la troupe des Verts. À suivre aussi, entre autres exemples, le retour au jeu du comédien David Savard, parmi les Rouges, la recrue Patrick Dupuis, une véritable boîte à surprises, de même que les surprenants Christian Vanasse, Sophie Caron, Jean-François Nadeau, Corinne Giguère et tant d’autres, qu’il est toujours fascinant de voir évoluer sur l’improvisoire.
À peine deux matchs joués sur la quinzaine prévue dans la saison régulière, et la LNI est déjà fort présente un peu partout. À la Nuit Blanche, par exemple, de même qu’à la coproduction du spectacle de théâtre spontané du collectif d’impro Cinplass, dont font partie Édith Cochrane, Antoine Vézina et Frédéric Barbusci, qui sera présenté pour une dernière fois à l’Espace Libre, le 19 mars. Notons aussi, outre le match des étoiles et la ronde éliminatoire, un match spécial pour la relâche opposant la LNI aux vedettes de Vrak TV, le 2 mars, ainsi qu’une autre joute durant laquelle les champions français tenteront d’écraser gentiment leurs cousins québécois, le 3 mars. Enfin, soulignons le souci de modernité de la LNI, qui a concocté pour son fidèle public d’amusantes capsules disponibles sur le Web, que ce soit sur son site officiel (http://www.lni.ca/) ou encore sur la chaîne www.youtube.com/theatrelni.
Qui saura gagner le cœur du public et ainsi rafler la Coupe Charade? C’est une énigme à suivre tous les lundis soirs, jusqu’au 1er juin 2010, en direct du Club Soda. 10-4. Caucus.
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Crédit photo : Frédéric Blais-Bélanger
Par Nicolas Gendron
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Qqn sait Télé-Québec ou une autre chaîne prévoit présenter quelques matchs?
Malheureusement, Dom… Ça ne risque pas d’arriver!