Pas de nouvelles, bonnes nouvelles
Par Jonathan Habel • 14 juin 2007 à 0:00C’est presque devenu un cliché : quand les médias n’ont plus rien à dire, on invente ou on étire. Surtout, on étire. C’est que ça doit être rempli et bien rempli, toutes ces heures-là. Le problème c’est qu’on surexpose certaines conneries, et que le Québécois moyen n’y voit que du feu.
Un exemple : le pilote de F1 qui s’est planté au Grand Prix de Montréal. Oui, beaucoup de ferraille et une bonne frousse sur le coup (autant pour lui que pour les amateurs), mais après tout, Kubica est ressorti quelques heures plus tard avec un plaster sur le gros orteil pis une poque sur le bras. Voyons donc, même lui ne semblait pas en revenir de toute l’attention dont il était l’objet. Et qu’est-ce que tous les journalistes présents lundi croyaient lui soutirer de si extraordinaire comme déclaration ? C’était évident comme le nez dans face, il allait dire ce qu’il a dit (accent polonais en prime) : Well big accident, but I was lucky…
Ça a pris un pilote de F1, un médecin, une analyse poussée des images de l’accident et près de 24 heures à nos grands réseaux d’information pour recueillir ça ? En plus, tellement contents de la bonne nouvelle, ils nous ont poussé en boucle les images pendant près de trois jours. Mieux encore : quand on a plus rien dire pour le Québec, on va chercher des trucs ailleurs. Comme ce vidéo, recueilli sur les réseaux d’actualité belges (ça doit être à peu près la première fois que ça arrive) de Nicolas Sarkozy, nouveau président français, qui arrive un peu essoufflé à une conférence de presse en marge du sommet du G8 qui vient de se terminer en Allemagne. Wouaaahhh ! Un président essoufflé, on tue la une ! Gracieuseté de LCN, cet extrait, d’une qualité médiocre digne de YouTube, a tourné trois fois sur l’heure du dîner mardi dernier. Une fois aux 20-25 minutes. On est habitués aux reportages faussement human de la filiale de TVA, mais coudon des fois on pousse un peu loin. Comme cette entrevue d’au moins 30 minutes de Denis Lévesque avec ce nobody de Gilles Proulx qui, le pauvre, se remet d’un quadruple pontage et qui trouve tout de même l’énergie de dire que les femmes sont beaucoup plus « diaboliques » que les hommes quand vient le temps de détruire efficacement une réputation (quant à moi, il y réussit extrêmement bien tout seul). Il ne manquait que son expression favorite, ferme-la petite charrue, et notre célèbre misogyne nous faisait complètement oublier qu’il venait de subir une opération sérieuse.
L’été commence, la basse saison de l’information. Attendez-vous malheureusement à voir de plus en plus de reportages sur les nains, sur les élections législatives en Bolivie ou sur les frasques de Paris en prison dans les prochaines semaines. Si vous voulez grimper sur le pont Victoria pour revendiquer un vrai menu santé au McDo, c’est le temps, vous ferez un tabac.
Par Jonathan Habel
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Je suis entièrement d’accord avec toi. Les médias nous disent vraiment n’importe quoi lorsqu’il n’y a rien de spectaculaire à nous raconter. Mais c’est un peu le problème de nos médias, du fait qu’ils sont tous contrôlé par une poignée de personnes. On a donc aucun contrôle sur ce qu’on peut entendre la plupart du temps. Du moins c’est ce qu’on essayé de prouver dans notre travail final de cégep.
Complètement d’accord. Des fois, je fixe mon téléviseur et je me demande sur quoi, exactement, on fait une nouvelle. Le cas de Paris Hilton est intéressant : pourquoi parler de cette femme ? Concrètement, qu’est-ce que j’en ai à foutre de savoir ses va-et-vient ? Elle est en prison, so what ? Mettez-lui une caméra sur le visage, partez une télé-réalité et foutez-nous la paix avec ça !
Ouais… les nouvelles! Parfois je me sens coupable de ne jamais regarder les nouvelles. Enfin, pas jamais, mais certainement pas régulièrement. Mais au fond, quand je vois l’information que je manque, ça me réconforte. Sous peu, je me promets de commencer à lire les journaux plus souvent. Au moins, on peut choisir ce qui nous intéresse… et c’est quand même important d’être bien informé.
Moi j’ai trouvé la solution la plus géniale! Je n’ouvre tout simplement plus la télé! Ça fait plus de 5 jours que je n’ai pas touché à la manette. Bon bien, je vais aller arroser mes fleurs 😛
LOL j’ai bien aimé tous vos commentaires… Je me demande si ce que vous pensez représente la majorité des Québécois (je crois bien que oui, ou j’aimerais le croire), et que devant cet état de fait les médias, pour ne pas perdre leurs précieuses cotes d’écoute, ne devraient pas plutôt penser à s’adapter « réellement » à son public, à ce qu’il veut. Actuellement, c’est le média qui fait la nouvelle, pas le public.
On peut se surprendre parfois de l’ignorance des gens. Tout comme pour la publicité. Si des compagnies investissent des millions pour vanter les mérites de Power Juicer ou de la gaine LanaForme, c’est qu’il y a assez de gens assis sur leur sofa pour appeller le numéro 800 et commander l’article magique. La même chose s’applique aux nouvelles. Vous saviez qu’il a 20 ans environ, le journal Allô Police se tirait à 200 000 exemplaires?? Le monde aime ça des viols et des nouvelles sordides!!
La nature humaine est drôlement faite. On est tous un peu voyeurs, la plupart d’entre-nous sommes avides de violence et presque tout le monde a dit, pensé ou fait quelque chose dans sa vie de suffisamment grave pour emmener le secret avec lui dans sa tombe (des fois c’est pratique, on oublie ce quelque chose).
On carbure au rêve, le plus souvent les rêves des autres (comme la Star Académie entre autres, ou les gens qui achètent de la loto à coups de cent piasses). Et on se complaît dans cette information qui n’en est pas vraiment, qui est exacerbée jusqu’à devenir provocante. Mais que voulez-vous, voir un motocycliste décapité sur la 20, ça pogne plus qu’une fermeture d’usine sur la Côte-Nord…