Kiss Me Deadly : le nouveau polar face au maccarthysme (1955)
Par Mathieu Lemée • 9 novembre 2009 à 17:08Considéré par plusieurs comme étant l’un des grands chefs-d’oeuvre du film noir, « KISS ME DEADLY » était pourtant au départ un roman moyen écrit par Mickey Spillane portant sur un trafic de drogue, où seule la violence du héros Mike Hammer sortait quelque peu son récit du cadre typique imposé par le genre au cours des années 30 et 40. Ayant déjà renouvelé le western grâce à deux films: « APACHE » et « VERA CRUZ » au cours des années 50, le réalisateur trouva dans le récit de Spillane des éléments lui permettant de renouveler le film policier.
Alors qu’il est en route pour Los Angeles en pleine nuit, le détective privé Mike Hammer recueille une femme blonde en détresse qui faisait de l’auto-stop. Elle lui raconte qu’elle s’est enfuit d’un asile d’aliénés où elle fût enfermée par des inconnus, sous prétexte qu’elle en savait trop sur leurs activités. Hammer n’a pas le temps d’en apprendre plus car il est victime d’un accident provoqué délibérément par ceux qui recherchent la jeune femme.
Celle-ci étant retrouvée morte par la suite, Hammer décide de poursuivre l’enquête bien que la police lui suggère fortement de laisser tomber. Des gangsters cherchent à acheter puis à éliminer Hammer, mais celui-ci persiste dans son enquête. Il finit par découvrir que la jeune auto-stoppeuse avait avalé une clé permettant d’ouvrir un mystérieux coffret contenant des éléments radioactifs. Lorsque la clé et le coffret tombent entre les mains des gangsters, qui ont auparavant kidnappé sa secrétaire, Hammer se met en devoir de les retrouver.
Bien plus qu’une banale histoire tournant autour d’un enquête policière typique, KISS ME DEADLY se veut variation contemporaine autour du mythe de la boîte de Pandore, qui donne l’occasion à son réalisateur d’illustrer sans compromissions les angoisses réelles et symboliques d’une frange de la population américaine envers le maccarthysme, et la chasse aux sorcières qui s’en est suivi au début des années 50.
Les éléments violents et sordides de l’intrigue contribuent à donner une image peu flatteuse du climat de cette période, puisque la mise en scène témoigne envers tous les personnages d’un profond mépris à leur égard sans exception. Le cinéphile averti décèlera dans les éclairages en noir et blanc et dans certains cadrages insolites une inspiration expressionniste évidente, et l’influence de CITIZEN KANE d’Orson Welles dans l’approche créatrice du réalisateur. Cela n’empêche toutefois pas Aldrich de faire montre d’originalité en malmenant sans concession les codes du film noir.
Dès l’ouverture du film sous la forme d’un générique présenté à l’envers, Aldrich délaisse la cohérence narrative hollywoodienne au profit d’une esthétique cauchemardesque de paranoïa (renforcée par une bande-son remarquable), où les meurtres et les brutalités se succèdent en permanence et où l’enquête policière est menée de façon totalement arbitraire par le héros. De fait, KISS ME DEADLY bascule progressivement vers la science-fiction pour prendre la forme d’une parabole sur l’ère atomique naissante, qui ne peut se terminer que dans l’apocalypse avec une conclusion où tout le décor brûle dans un déluge de flammes et d’explosions.
Pour toutes ces raisons, KISS ME DEADLY reste un classique incontournable qui a marqué son époque sans néanmoins avoir pris une ride depuis sa sortie en salles il y a plus de 50 ans. Ralph Meeker s’impose sans difficulté dans le rôle de Mike Hammer, personnage présenté ici sous un jour autant antipathique que flegmatique.
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