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ÉditorialPuisqu'il y a des choses qui doivent être dites, aussi bien les dire avec une verve franche et directe. Des sujets chauds, traités vivement sans trop de fioritures.

Écono paranoïa

Par • 28 février 2008 à 11:52

Je vais m’abstenir cette semaine de critiquer la conduite stupide des différents chefs de parti à Ottawa après le dépôt du budget fédéral, quoi qu’on en aurait long à dire. Après tout, Stéphane Dion nous as prouvés qu’il était bel et bien un véritable chicken à lunettes, monsieur Harper nous as démontrés toute l’étendue de son mépris pour l’Opposition, et Ti-Gilles Duceppe nous as rappelés qu’il savait encore très bien chialer et pleurnicher même passé 60 ans. Non, je ne m’attarderai pas sur ces tristes sires et leurs partis, mais plutôt sur ce qu’ils sont en train, eux et les médias, de mettre dans la tête des Québécois.

 

Cette idée, formulée depuis des années en constatant l’état fragile de l’économie américaine, renforcée par la compétition de plus en plus féroce des géants asiatiques, et clouée dans l’inconscient des honnêtes travailleurs par la télé et les journaux, est maintenant reprise par nos politiciens, qui se rendent bien compte que parler santé et éducation, ce n’est plus suffisant pour soulever les passions. Il faut provoquer les gens, les choquer (accomodements raisonnables), les divertir (commissions Gomery et Johnson) et leur faire peur un peu, aussi. Leur faire peur avec une récession. Parce que l’économie du Canada va tellement bien, tellement inexplicablement bien, qu’il faut faire quelque chose pour garder le contribuable sur le qui-vive.

 

Pourtant, force est de constater que le bon vieil adage « quand les États-Unis ont le rhume, le Canada éternue » ne tient plus aussi bien la route que par le passé. Bien sûr, si l’économie de l’Oncle Sam venait à s’effondrer, on mangerait une sale claque. Après tout, les Américains n’ont qu’à décider de bouder certains de nos produits (avec ou sans raison) comme le bois d’œuvre ou une certaine catégorie de produits manufacturiers, et paf, on se retrouve avec une déchirure dans notre économie. Mais on peut survivre à cet état de fait : alors que le Canada accumule les surplus budgétaires depuis à peu près dix ans, les States vivent une crise de l’emploi depuis l’arrivée de Double V Bush à la Maison-Blanche en 2001. Comment on explique ça ? Et surtout, c’est quoi l’idée de se dire sans arrêt qu’une récession s’en vient ici ?

 

Une récession, une crise économique, ça n’est pas seulement causé par de réelles baisses des exportations d’un pays. De nos jours, c’est aussi causé par le bouche à oreille. Si tout le monde attend une récession, les employeurs arrêtent d’engager des gens, et limitent leurs investissements. Ces gens, qui demeurent donc sans emploi, ne dépensent pas de l’argent qu’ils n’ont pas, et les fonds non-investis par les entreprises ne roulent pas dans l’économie. Cette attrition se porte ensuite à l’échelon suivant, la compagnie voisine, l’autre compagnie qui dépendait indirectement de ces investissements absents, etc., vous voyez le tableau. Une récession, c’est donc aussi causé par l’attitude des gens. C’est comme à Wall Street : si tout le monde vendait ses actions en même temps parce qu’il avait peur de perdre son argent, on aurait quoi ? La Grande Dépression. Vous vous souvenez de vos cours d’histoire ? Parce que c’est déjà arrivé, vous savez…

 

Maintenant, après des années de comptes-rendus contradictoires qui nous disaient qu’Ottawa accumulait les milliards mais qu’il fallait se préparer à une grave récession pour bientôt, même nos politiciens se joignent à la parade. Oui, certains secteurs de l’économie québécois et canadienne vont mal, et là où j’habite, je suis à même de le constater tous les jours. Mais quand les ministres des finances provincial et fédéral ne donnent que comme seul indice de leur budget à venir qu’il sera « prudent », qu’il a été « difficile à boucler » et que « notre économie va ralentir fortement au cours des prochains mois et des prochaines années », c’est faussement inquiétant pour rien. Et ça s’appelle du renforcement négatif. J’ai donc un petit conseil pour nos p’tits comptables du dimanche : si c’est encore pour nous dire à mots cachés qu’on va frôler une catastrophe économique que les travailleurs québécois et canadiens savent éviter, une main dans le dos, depuis des années, ben fermez donc vos yeules. Sinon, vous faites partie du problème. On est quand même pas des caves, si vous nous dites qu’on aura pas de p’tits cadeaux dans votre budget, on n’ira pas pleurer notre douleur dans un coin. On va juste se dire qu’on s’est fait dire un mensonge de moins.

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Une Réponse »

  1. Parlant de Bush, c’est un peu lui qui a mis de l’avant cette école de la peur. Cette pensée préventive. Il l’a fait pour le terrorisme et là tout le monde le fait pour l’économie. Vaut mieux prévenir que guérir ? Mais ne vaut-il mieux pas guérir ce qui va déjà mal plutôt que de prévenir ce qui est incertain ? D’autre part (pour ma part en fait), je crois que l’enjeu réel du 21e siècle se trouve au coeur de l’écologie et non de l’économie. Si on tue la planète, l’argent n’aura plus aucune valeur!

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