Le pari était risqué. Quand on parle de performance réussie sur scène, ça prend une chimie indéniable entre les différents antagonistes qui interagissent sur les planches. Alors quoi penser, au premier abord, d’un spectacle d’humour de près de deux heures, mettant en scène un humoriste plutôt singulier, son ex-conjointe mieux connue pour son implication dans le jet set québécois et international, et un guitariste arabe qui nous sert des intermèdes musicaux entre les sketches ? Ajoutez à cela des décors somme toute primaires (déplacés par les acteurs eux-mêmes entre deux volées de blagues sur un thème déjà bien exploité depuis des années, à savoir bien sûr les différences inconciliables entre les hommes et les femmes), et vous obtenez la recette parfaite d’un défi d’envergure. À la grande joie du public, ce défi est relevé avec brio par Mathieu Gratton, Patricia Paquin et le sympathique Celim.

Entièrement écrit par Gratton, mis en scène par Joël Legendre, le spectacle, rudement efficace, ne tente jamais de compliquer les choses inutilement juste pour faire différent. Quelques blagues salaces, quelques facéties à la limite du puéril ; la base, quoi. La grande réussite de la pièce, cependant, réside dans le naturel et la franchise des dialogues de la moitié de Crampe en Masse face à l’ex-animatrice de Flash, à qui l’on découvre des talents de comique. On sent que les acteurs, face à un public qui, malgré la formule éprouvée, ne sait jamais trop à quoi s’attendre, prennent plaisir à se bitcher par amour, comme dans le temps, tel un exorcisme public par l’humour. Gros point en faveur des artistes, quand on a souvent vu des musiciens et des humoristes venir à Chibougamau donner le strict minimum, avec une envie évidente de foutre le camp, une fois les neuf heures passées.

Pas de ça ici. Tout le monde se donne à fond, malgré la modestie de la salle, la frugalité des moyens. Et le public, restreint lui aussi (environ 300 personnes), le lui rend bien : conquis d’avance, les rires francs abondent. Le tout, enfin, est finement orchestré ; aucun temps mort (si ce n’est un départ un peu lent en seconde moitié), mais aucune fioriture diluante non plus : l’humour prend toute la place, et sous toutes ses formes. Lorsque les applaudissements se font entendre, près de 120 minutes après le lever de rideau, on se rendre compte que le but a été atteint, « les ex » ont réussi à épater en étalant devant tous et chacun leurs ratages dans leur lointaine vie de couple : les gens ont passé un très bon moment, encore sous le charme d’un spectacle qui livre la marchandise sans tenter de réinventer la roue. Et on se dit qu’ils ont d’autant mieux atteint leur cible quand on se prend secrètement à souhaiter qu’ils ne reviennent jamais en couple, pour notre plus grand plaisir.

9/10