J’ai, tu as, il a
Par Caracteres.ca • 31 juillet 2011 à 4:00Un texte de Christian Blanchet publié le 25 juillet 2011 sur Caracteres.ca.
L’autopsie n’indiqua que la présence massive de sirop pour la toux et rien d’autre. Ce qui surprit tout le monde fut l’état dans lequel il avait laissé sa vie derrière. Tout était en ordre, d’une propreté sans failles et fonctionnel, de son administration personnelle à sa collection de vieilles motos. Ce qui frappa l’imagination était l’absence de toutes photos, ou quoique ce soit qui puisse rappeler quel homme il fut. Il n’avait laissé aucun testament notarié, aucune note. C’est dire sa force de frappe.
Le fait qu’on le retrouva gelé dans un banc de neige avec sur son cou inscrit au Marker de droite à gauche, probablement lentement tracé devant une glace, AMOUR STÉPHANIE MICHEL, le nom de ses deux enfants, explique un peu, lui qui avait vécu son divorce durant des mois, tranquille il semblait, et qui ne voyait jamais ses jeunes à part s’il leur offrait Disneyland ou l’équivoque après règlements de cour. Ces dernières années, on le voyait peu mais il portait encore son éternel sourire en coin, sur sa bouche comme dans ses yeux.
Il n’avait aucun problème d’argent mais réglait tous ceux de ses vieux amis. C’était probablement les seuls appels qu’il recevait, les demandes de conseil ou d’aide. Ou de ses business. L’exemple à suivre. Il venait aux anniversaires, parfois, mais ne restait jamais très longtemps. Ses amis étaient fauchés, toujours. Il arrangeait les choses. Personne n’avait à se soucier de lui. Il était discret et au-dessus de ça.
Quand nous l’appelions et lui posions des questions à propos de ses enfants, il avait son tact pour changer de sujet. Que de bonnes nouvelles. Sa succession a probablement été un enfer pour ceux qui l’ont vécue, sauf pour les avocats, des batailles de vouloir qui eurent lieu des mois et bonjour. Selon J-F, c’est ce qu’il souhaitait comme héritage. Il lui avait dit qu’il laisserait tout à ses deux enfants et c’est tout, mais ils étaient trop jeunes pour s’en occuper ou pour réaliser quoi que ce soit. C’est probablement inventé, extrapolé d’une remarque en passant. Les histoires du passé, elles fonctionnent ainsi.
Il aimait regarder les mouettes s’entre-déchirer pour des patates frites.
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