Bonjour, je vends des noisettes
Par Pierre-Luc Gagnon • 4 juillet 2010 à 9:00Je demeure sur la rue Lejeune à Chicoutimi, j’ai 10 ans. Mon ami Sylvain – qui a aussi 10 ans, mais je m’abstiendrai de le mentionner pour sauver de l’espace rédactionnel – habite sur la rue Hertel, en haut de la côte du Stade. C’est pas la porte d’à côté, mais avec mon vélo je peux me rendre en dix minutes. Et c’est ce que je ferai aujourd’hui. Sylvain et moi avons prévu ramasser de l’argent en vendant des noisettes. Oui monsieur, oui madame! Vous en voulez ?
Nous sommes en 1993, dans un Québec fluo dirigé par Robert Bourassa. Le marché de la noisette est en pleine effervescence, vous l’aurez deviné. Sylvain avait flairé l’affaire et m’en avait informé dans un communiqué officiel… ou plutôt par le biais d’un petit message que l’on fait circuler de pupitre à pupitre dans une classe de primaire. « On se rejoint au noisetier à 4h », écrivait-il, d’un trait de plomb convaincant. Je le regarde d’un air incertain. « Apporte tes gants », chuchote-t-il.
Et c’est ainsi que nous nous sommes lancés en affaires, en ce début d’automne encore assez chaud. Ma première « vraie » job. Wow! Notre boulot se divisait en quatre étapes primordiales : la cueillette, le retrait des épines à l’aide d’une poche en jute, l’épluchage (que nous faisions faire en sous-traitance par nos petites soeurs respectives) et la vente. Cette dernière étape posait un problème particulier. Même avec une jolie affiche disposée en bordure de route, les automobilistes ne s’arrêtaient pas. Nous avons alors demandé à notre conseiller en marketing, le grand cousin de Sylvain, de nous sortir du pétrin. « Y’a pas d’chars sur Hertel, allez un peu plus loin sur le Chemin de la Réserve », nous avait-il conseillé du tac au tac.
Après quelques longues minutes (on se fatigue rapidement à cet âge), nous avons quitté le kiosque devant l’insuccès de notre entreprise. En fait, en attendant les clients potentiels, nous mangions plus de noisettes que nous en vendions. Pourtant, elles étaient délicieuses nos noisettes. Nous offrions un excellent produit. De retour à la maison, après une dure journée de labeur, je rangeais mon vélo dans la remise, je déposais ma boîte à lunch sur le comptoir et j’allais m’étendre sur le sofa. Brûlé!
Lorsque je regarde tout ça avec du recul, je me rends compte, après avoir travaillé dans divers milieux… que Sylvain a été mon meilleur boss!
Par Pierre-Luc Gagnon
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MOuahahahaha, très jolie histoire racontée comme je les aime! Vive Sylvain! Est-ce qu’il est boss aujourd’hui?
Très belle histoire! Pour un premier emploi, cela n’a pas été très concluant!