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ÉditorialPuisqu'il y a des choses qui doivent être dites, aussi bien les dire avec une verve franche et directe. Des sujets chauds, traités vivement sans trop de fioritures.

Un système de justice à deux vitesses

Par • 10 juillet 2008 à 9:13

On le savait déjà, mais là les Québécois en ont eu un autre grossier exemple cette semaine : quand on est en prison, l’argent c’est payant. Faire pitié c’est payant. Avoir un complet veston-cravate, c’est payant. Ça peut vous enlever des années de prison de sur votre peine en un clin d’œil. Demandez à Vincent Lacroix son truc ; peu importe ce que c’est, ça vaut de l’or.

 

Après avoir écopé d’une peine de douze ans moins un jour dans le cadre du scandale Norbourg, Lacroix a fait appel de la sentence, et a vu sa peine se réduire considérablement, à huit ans et demi. Déduisez le temps déjà passé derrière les barreaux, à bouffer, être logé et à regarder la télé aux frais de l’État (donc à nos frais), et vous obtenez comme résultat  une forte possibilité de rencontrer l’homme dans peu de temps dans les rues, du moins avant qu’on ait pu oublier le personnage. Avant que les investisseurs floués par ses pratiques criminels aient pu reconstruire leur vie.

 

Parce que si Vincent Lacroix s’est fait écoeurer un brin depuis son arrestation, certaines personnes ont tout de même trouvé le moyen de lui accorder des miettes de sympathie. Ce n’est pas un meurtrier, après tout. Il n’a pas violenté un couple de personnes âgées pour leur voler leur bas de laine. Il n’a pas battu un enfant pour lui prendre son 2 piasses. Il a volé de l’argent c’est beaucoup moins grave.

 

Ouais, en surface, ça semble moins pire. Sauf qu’il y avait 9200 investisseurs qui avaient placé leurs économies chez Norbourg, certains leur confiant tout ce qu’ils avaient pour leurs vieux jours. Ces gens-là, ainsi que leurs proches, vivent un cauchemar depuis des mois et des mois : après avoir pris une éternité pour juger cet homme, le système de justice a finalement décidé de réduire sa peine, « disproportionnée en comparaison du geste posé ». Autrement dit, mangez d’la marde, pis revenez-en, c’était juste de l’argent !

 

Le pire pour les victimes a dû être de supporter l’arrogance de Lacroix tout du long. Déclarant à qui voulait bien l’entendre qu’il était innocent (!) et qu’il allait éclairer tout cela en cour, Lacroix s’est aussi vu donner sa chance dans les médias de s’expliquer sur le scandale, dans une entrevue que TVA lui avait accordé peu après la découverte de la gigantesque fraude. Entre deux plaintes parce qu’il n’avait pas les moyens de se payer un avocat, il soulignait qu’il avait peine à faire l’épicerie, profitant que les caméras soient braquées sur lui pour prendre la place des victimes anonymes. Jamais ses fameux arguments-chocs n’ont été présentés, jamais l’ombre d’un doute n’est apparu sur la culpabilité évidente de Lacroix. Et maintenant, le système de justice a trouvé qu’on avait été trop chien avec. Vite, corrigeons la situation avant que le pauvre Lacroix ne souffre de cette inégalité, cette injustice éhontée, que dis-je, cette amère vengeance de la société sur un pauvre homme qui n’a fait que voler quelques millions en manipulant quelques malheureux chiffres !

 

Les victimes de Norbourg, près de deux ans après l’éclatement de ce scandale, mangent encore leur beurrée de marde à tous les matins ; Lacroix, lui, peut commencer à penser à ses projets, qu’il mijote pour son grand retour en liberté. Fourrer des investisseurs, ça peut être payant, ça aide se pratiquer pour fourrer le système de justice, au cas où on se fait prendre…

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