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Micro-fun au maximum – Critique de NAISSANCES

Par • 16 décembre 2010 à 16:10

Avec Naissances, un projet aussi conceptuel qu’il est réjouissant, le Nouveau Théâtre Expérimental (NTE) et ses adeptes baignent abondamment dans l’esprit du mandat qu’ils creusent et façonnent depuis plus de 35 ans, de façon à être prêts à faire « n’importe quoi, mais pas n’importe comment! » Non seulement le NTE donne-t-il au théâtre toute la liberté et la latitude qui lui reviennent, mais il le fait ici avec un dépouillement et un ludisme qui l’honorent.

Les directeurs artistiques Daniel Brière et Alexis Martin s’imposent d’entrée de jeu comme chefs de gare – Jacques L’Heureux remplaçait Martin ce soir-là –, mais ils ne font que passer, le temps de nous assigner à notre guide bénévole d’un soir, groupés que nous sommes, spectateurs dociles, en cinq groupuscules pour autant de parcours différents. Parcours qui prennent d’assaut non pas la salle principale d’Espace Libre, mais ses recoins, coulisses et couloirs, de la salle de répétition aux toilettes du sous-sol. Parcours ensuite subdivisés en cinq UMT, les « unités micro-théâtrales » que Brière et Martin ont commandé à cinq « auteurs-comédiens-metteurs en scène » – ce sont du moins les chapeaux que les créateurs avaient à coiffer dans une seule et même soirée. Cinq micro-pièces de théâtre d’une douzaine de minutes chacune sont donc au menu, en plus d’un entracte agrémenté d’une exposition photo miniature et d’un service de… mini-bar! Si cet entracte avait le mérite de coller à l’idée globale de miniaturisation et d’échelles théâtrales, il coupait néanmoins inutilement le souffle de la soirée, déjà fort hétéroclite.

N’empêche, le sentiment d’assister à une manifestation artistique clandestine prend le dessus et on en aurait goûté davantage tant le plaisir croit avec l’usage – il devient si bon de briser notre confort et le théâtre vu de près gagne en qualité d’énergie ce qu’il perd en ampleur. Et Francine Alepin de plonger dans les mythes fondateurs, son corps devenant la Terre Mère, cette Gaïa en péril, indomptable et pourtant friable sous les pas minuscules des petits bonshommes hyperactifs qui la sillonnent. Et Gary Boudreault de nous bercer de sa parlure tricotée serré, joviale à souhait, racontant le Big Bang et ses secousses de poésie immatérielle, quelque part entre les souliers de Félix et le pays de Vigneault. Et Simon Boulerice de se faire chauve-souris dansante en mal d’amour un soir d’Halloween, fantasmant sur les contours flous des déguisements bas de gamme et twistant son coeur à s’imaginer le parfait bonheur, une fois les masques tombés. Et Stéphane Demers se prosternant devant les restes d’un passé incendié ou d’une filiation évaporée, sur fond d’un soleil en puissance ou en perte de vitesse, trinquant à ce qui n’est plus, à sa deuxième chance ou… à sa renaissance? Et enfin Catherine Vidal, bricolant la magie d’une fable derrière des boîtes microcosmiques, dans lesquelles voyage un jeune et candide Joseph en quête de sa tache de naissance, qui plus est sur les traces des grands Joseph de l’Histoire. Soulignons la minutie exceptionnelle du décor de Vidal, dont elle se sert avec doigté aux services de sa mignonne histoire. Mais autrement, en l’absence d’un réel fil conducteur, le thème de la naissance étant propice à de multiples interprétations, plus ou moins collées à ses sens premiers, c’est l’aventure du micro-théâtre, son expérience intime, presque chuchotée, qui cimente la soirée. Remarquez, il est permis d’emprunter toutes les directions, et d’adhérer ou non à plusieurs langues, thèmes et tons. Au final, il appartient à chacun de s’interroger, non sans se divertir, sur son rapport à la forme et à l’écoute théâtrales.

Cinq trous de serrure sur l’imaginaire de cinq créateurs qui, s’ils ont réduit leurs transports, n’en ont pas pour autant ménagé leurs efforts! Une belle mini-soirée pour un plaisir maximisé.

(…)

NAISSANCES. Une production du Nouveau Théâtre Expérimental. Texte, mise en scène et distribution : Francine Alepin, Gary Boudreault, Simon Boulerice, Stéphane Demers et Catherine Vidal. Présenté à l’Espace Libre, du 30 novembre au 18 décembre 2010. Animation et édition : Daniel Brière et Alexis Martin. Scénographie : Michel Ostaszewski. Éclairages : Erwann Bernard. Conception sonore : Benoît Durand-Jodoin. Direction technique : Geoffrey Levine. Régie : Michel Forget. www.nte.qc.ca ou www.espacelibre.qc.ca.

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