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Michael Clayton : les limites morales de la manipulation de la vérité (2007)

Par • 22 avril 2008 à 6:13

Alors que le prix du pétrole ne cesse de grimper,  que les grandes multinationales sont pointés du doigt par les associations humanitaires pour être les responsables de la majorité des malheurs du monde,  et  que les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres,  arrive sur les écrans ce thriller à caractère social-politique du nom de « MICHAEL CLAYTON »,  qui vient à son tour jeter un pavé dans la mare du capitalisme sauvage.  Les altermondialistes doivent jubiler à nouveau dans leurs chaumières.

 

Première réalisation de Tony Gilroy,  scénariste reconnu pour avoir écrit la trilogie des aventures de Jason Bourne,  son film nous plonge d’emblée dans les arcanes juridiques d’une sale affaire qui pourrait bien être d’actualité. En effet,  Arthur Edens,  célèbre avocat d’une grosse firme chargée de défendre une multinationale agro-alimentaire du nom de U/North,  pète littéralement les plombs lors d’une séance à huis-clos,  alors qu’il se met à poil devant tout le monde.  Comprenant qu’Arthur a tourné sa veste et est passé du côté des plaignants,  le patron de la firme charge Michael Clayton,   une sorte de « concierge » spécialisé dans la résolution de problèmes,  de convaincre Arthur de se ressaisir.  Celui-ci détient cependant des preuves que U/North utilise des produits dangereux pour la santé publique,  et il a bien l’intention de faire éclater la vérité.  Lorsqu’Arthur est découvert mort,  les autorités croient à un suicide,  mais Michael Clayton découvre alors ces fameuses preuves qu’il s’apprêtait à dévoiler publiquement et qui l’amènent à penser qu’il a plutôt été assassiné.   C’est alors que Michael échappe à un attentat…

 

De l’aveu même de son réalisateur et après avoir vu le film,  il est clair que « MICHAEL CLAYTON » s’inspire de l’esthétique des thrillers engagés des années 70 comme « THREE DAYS OF THE CONDOR » ou « THE PARALLAX VIEW » qui étaient révélateurs des problèmes socio-politiques de l’époque.   En ce nouveau millénaire,  l’auteur s’est tournée sur le thème du pouvoir de l’argent dans le domaine de la justice,  où de gros cabinets d’avocats sont prêts à défendre de richissimes corporations,  plus préoccupées par la quête du profit que par les questions humanitaires.  En ce sens,  le film pose un regard lucide et amer sur ces criminels impunis portant cravates et complets vestons,  porteurs de vertus ramenés au rang de produits marchandisables,  et défendus par des juristes dénués d’un regard éthique ou d’un bon sens moral,  et préférant plutôt de gros honoraires.

 

Afin toutefois de s’écarter des recettes habituelles du suspense,  Gilroy commence son film à rebours par le début du dernier tiers de son film,  dès les 5 premières minutes,   pour ensuite revenir à la véritable introduction,  ce qui attire l’attention du spectateur dès le départ.   Par la suite,  le récit bien construit prend une tournure subversive surprenante dans le ton (un avocat se foutant à poil en pleine séance se veut assez provocateur,  même si on ne le voit pas vraiment à l’écran),  sous des allures de construction classique.    Sans artifices inutiles,  l’intrigue progresse jusqu’à ce que la tension s’installe dans le dernier droit,  pour se terminer avec un très bon rebondissement en conclusion,  non sans oublier au passage de faire preuve d’un humour noir pertinent.  Dans le même temps,  la mise en scène résiste à la tentation d’en faire trop,  prenant plutôt bien soin d’assurer la crédibilité des informations dévoilés par le scénario,  et des motivations des personnages.

 

Co-produit par l’acteur George Clooney,  interprète du personnage du titre,  « MICHAEL CLAYTON » se veut en continuité avec l’engagement social dont il a fait preuve ces dernières années au grand écran (« SYRIANA »,  « GOOD NIGHT & GOOD LUCK »),  comme dans la vie de tous les jours.  Son jeu tout en nuances est motivé par la qualité du scénario,  son contenu critique,  et le fait qu’il n’incarne pas un héros au sens traditionnel du terme.  Michael Clayton  se croit être un bon avocat,  mais ses dons pour réparer les pots cassés l’amènent à faire un boulot de « concierge » qu’il déteste.  Endetté,  il cherche même à profiter de la situation pour sortir de l’impasse financière où il se trouve,   ce qui le rend vulnérable et susceptible d’être acheté,  élément psychologique qui contribue beaucoup à la réussite du rebondissement final que l’on évitera de vous dévoiler.

 

Mentionnons également les excellentes performances des acteurs britanniques Tom Wilkinson  dans le rôle d’Arthur Edens,  et de Tilda Swinton  dans le rôle de l’avocate-conseil de U/North,  qui lui a valu un Oscar.  Bref,   s’il est passé inaperçu au box-office et malgré une prémisse en apparence inoffensive,  « MICHAEL CLAYTON » se veut un  thriller socio-politique d’une grande efficacité dont on parlera encore dans l’avenir.  Seul l’emploi d’un jargon juridique compliqué dans le dialogue vient parfois alourdir le rythme,  mais cela n’est qu’un défaut mineur qui ne devrait pas vous empêcher d’apprécier ce long-métrage à sa juste valeur.

 

*** ½

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