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ÉditorialPuisqu'il y a des choses qui doivent être dites, aussi bien les dire avec une verve franche et directe. Des sujets chauds, traités vivement sans trop de fioritures.

Masters chez nous !

Par • 19 avril 2009 à 10:13

Continuant mon long exil hors de ma Capitale-Nationale natale, je réside maintenant à Montréal depuis novembre dernier, et j’occupe depuis un poste dans une PME florissante à Anjou. Un emploi qui me permet d’exercer un des points les plus exploités de mon curriculum vitae, à savoir le contact avec la clientèle. Cet aspect de mon travail me donne pourtant une des plus mauvaises surprises auquel je pouvais m’attendre de nos clients à Montréal.

Je vous reproduis ici un morceau d’une conversation typique ces temps-ci :

–         Hey, ‘scuse me, how much for this ?, de me demander un sympathique gaillard que nous nommerons « X », pour les besoins de l’article. Et moi de répondre, dans un anglais approximatif mais dont je me targue de connaître les bases :

–         Well, it’s the price written on the tag, minus 20 percent and the taxes are always included.

Et cette joute oratoire amicale sur le prix de nos produits en rayon de se poursuivre dans la langue de Shakespeare encore quelques dizaines de secondes.

–         Monsieur X : Everything in here is brand new ? ‘Cause there’s a box that’s torn apart just over there, and I was wondering…

–         Moi : Oh yeah, no, it’s all new stuff but sometimes the packages have been a bit bruised.

–         Monsieur X : Ouin y’ont été bardassés pas mal des fois, hein ? Hamahmouiaahaha…

Expression de crapet étonné sur mon visage. Mon interlocuteur est aussi Québécois que moi, avec le même accent, les mêmes expressions que moi. Il savait également tout du long que j’aurais compris ce que veux dire « ostie de tabarnak qui a mouillé à bouèèère deboutte hier, han ? » sans aucun effort cérébral. Mais alors… pourquoi me parler en anglais ? Pourquoi tester vos vastes connaissances de la linguistique anglo-saxonne en testant les miennes par la même occasion ? Et surtout, POURQUOI ÊTES-VOUS SI NOMBREUX À LE FAIRE ?

Le faites-vous pour montrer à tous ici présent combien vous êtes fluent in English ? Pour avoir de l’attention, pour pratiquer en dehors de vos cours du soir ? Parce que c’est plus facile ? Parce que vous vous êtes dit que, malgré tous nos écriteaux, intérieurs et extérieurs, écrits en français, nous sommes quand même tous des employés unilingues anglophones ? Parce que vous avez honte de parler français chez vous ? Pourquoi ?

Fraîchement arrivé à Montréal, j’avais été étonné de voir autant de fleurdelisés sur les balcons, autant de gens simples qui exprimaient leur patriotisme. Un constat qui m’avait fait dire que j’ai visité et vécu dans bien des régions du Québec qui se vantent d’être aussi (sinon plus) nationalistes mais qui se gardent pourtant bien de le démontrer avec autant d’audace. Je dois avouer cependant que ces conversations où, pour agrémenter le client dans sa langue maternelle (après tout, nous sommes dans les affaires, et c’est à l’entreprise de s’adapter le mieux possible à sa clientèle), je réponds à ces gens en anglais pour ensuite me faire servir un tonitruant « ouin mais sti ta bouêête est t’ouverte, tu peux tu me faire un prix mayeur que ça », c’est insultant, navrant, choquant, stupide, et tout à fait irresponsable. Comme si c’était un « j’t’ai ben eu l’jeune, moué chus même pas un Anglais pan toute, chus un Kabékoi, maintenant parlons de ce chandelier fini bronzé huilé, mais dans notre langue à nous, st-crême ! ».

Et c’est dommage, je n’ai vu ça qu’ici. Dans cette ville où j’ai entendu tellement de francophones se plaindre de la perte de vitesse du français dans la seule métropole majoritairement francophone dans les trois Amériques. À cet endroit où les drapeaux bleus et blancs flottent un peu partout, mais perdent de leur signification. Sur cette île où la seule identité qui semble se foutre de disparaître ou non, c’est la nôtre.

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