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ÉditorialPuisqu'il y a des choses qui doivent être dites, aussi bien les dire avec une verve franche et directe. Des sujets chauds, traités vivement sans trop de fioritures.

Le drapeau est en berne pour Audrey Best

Par • 31 janvier 2011 à 11:02

En fin de semaine dernière, quelques amis proches et moi nous sommes réunis autour de quelques boissons alcoolisées pour casser la croûte et jaser de tout et de rien. La révolution dans les pays arabes, le match des étoiles de la LNH et… les funérailles d’Audrey Best.

Qui au juste était Mme Best? C’était une femme d’origine française, qui a grandi en Californie avant d’épouser l’ex premier ministre Lucien Bouchard. Elle s’est installée au Québec où elle a travaillé pour Heenan-Blaikie, une prestigieuse firme d’avocats. Mme Best n’a jamais voulu faire de politique. Elle ne faisait que de rares et brèves apparitions à la caméra et tentait d’éviter le plus possible de s’adresser aux médias. Elle laissait toute la place à M. Bouchard, qui, avouons-le, n’avait nullement besoin de sa femme pour faire passer son message, étant à lui seul, un grand orateur.

Donc, qui a été Audrey Best pour le Québec? L’ex-femme effacée de l’ex premier ministre du Québec. Et comment notre bon premier ministre souligne-t-il son décès? Il apparaît à la télévision, la mine déconfite en parlant d’une grande dame qui a soutenu « Lucien » pendant son règne comme premier ministre. « Une femme qui a représenté le Québec avec distinction ». Jusque là, on reconnaît Charest qui tente de se faire du capital politique sur la mort de quelqu’un. Rien de trop surprenant. Étant un fin stratège comme on le connaît, cette déclaration était à prévoir. Là où ça se gâche, c’est lorsqu’il décide de pousser l’audace jusqu’à mettre le drapeau québécois en berne. Pensez-y un instant. Lucien Bouchard vient d’être engagé pour représenter l’industrie du gaz de schiste afin de convaincre les Québécois de ne pas rejeter cette « mine d’or qui dort ». D’accord, M. Bouchard n’a pas été engagé directement par Charest mais on peut soupçonner des conversations privées dans les couloirs du pouvoir.

Où je veux en venir avec tout ça? Notre représentant démocratiquement élu décide de mettre le drapeau en berne pour Audrey Best. Ce symbole qui est utilisé lors de moments bien marquants devrait être utilisé pour une raison qui rallie tous les québécois. Qu’on mette le drapeau en berne pour la mort d’un grand premier ministre comme René Lévesque ou Maurice Richard, qui a été l’idole de toute une nation pendant des décennies, je n’y vois aucun problème. Qu’on mette le drapeau en berne par solidarité pour nos voisins américains quand les deux tours jumelles se sont écroulées ou pour commémorer la tuerie à Polytechnique, je suis le premier applaudir l’initiative.

Mais Audrey Best? Pardon? Un deuil national pour l’ex-femme de l’ex premier ministre du Québec? Une dame qui n’a d’aucune façon marqué le peuple québécois. Une femme qui, tout à son honneur, a décidé de s’effacer de la scène politique pour s’occuper de ses garçons, Alexandre et Simon. Alors pourquoi mettre le drapeau en berne pour Mme Best? Qui était-elle pour les Québécois? Je vous parie un 2$ que 75% des québécois ne se rappelaient même plus de son nom avant qu’on annonce son décès.

Qu’un politicien qui a une cote de popularité de 20% (peut être moins au moment où on se parle) veuille redorer son image, ça peut se comprendre. De le faire sur le dos d’une dame qui vient de décéder et en bafouant un symbole patriotique, c’est tout simplement lamentable.

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3 Réponses »

  1. Que Jean Charest profite des marches funèbres pour faire de la récupération politique, moi aussi je trouve ça dégueulasse. Mais je ne suis pas prêt à m’offusquer par le fait que le drapeau du Québec ait été mis en berne pour Audrey Best. Je trouve que notre énergie, en tant que peuple, devrait être utilisée pour glorifier les gens qui le méritent plutôt que de dénigrer ceux qui ne le méritent peut-être pas – rendu là c’est totalement subjectif et arbitraire.

    Qu’Audrey Best n’ait pas soulevé les foules autant que Maurice Richard, qu’elle n’ait pas marqué l’histoire comme René Lévesque, ça ne lui enlève rien. Et ça ne lui donne rien non plus, me répondrez-vous. Or, je crois qu’il existe une règle politique – et ici le mot politique ressemble plus que jamais au mot politesse – qui pousse un politicien à saluer ses pairs dans les moments difficiles, dans l’adversité ou dans le deuil. Je vous trouve bien dur, monsieur Fortier, de juger de la pertinence ou non d’une mise en berne sous un prétexte d’ordre de grandeur. Audrey Best n’aura peut-être pas son nom dans le Petit Larousse, mais de lui rendre hommage n’est pas un sacrilège pour autant.

    Qu’on glorifie Pinochet m’horripilerait. Qu’on commémore la mort d’Hitler me dégoûterait. Mais qu’on souligne la mort d’une Première Dame du Québec qui était discrète, même en utilisant un symbole d’honneur québécois, ça ne me choque pas. Quand les Québécois font enfin mettre Jean Charest à la porte du pouvoir, quand je vais regarder son bilan avec du recul, je vais probablement me foutre du fait qu’il ait donné du lousse dans la corde du drapeau, par un beau matin de janvier, pour envoyer la main à une femme qui a fait un bout de chemin avec Lulu. Maybe it’s not his best shot, but let’s be fair with Audrey Best!

  2. J’aimerais aussi ajouter mes commentaires par rapport à deux extraits de votre texte plus précisément :

    Ce symbole qui est utilisé lors de moments bien marquants devrait être utilisé pour une raison qui rallie tous les québécois.
    Il n’y a rien qui rallie TOUS les québécois. Si on commence à passer aux urnes pour décider si une personne est digne ou non d’un hommage, alors on est bien petit comme peuple.

    De le faire sur le dos d’une dame qui vient de décéder et en bafouant un symbole patriotique, c’est tout simplement lamentable.
    Bafouer le symbole, ça serait de se torcher avec celui-ci. De s’en servir pour mettre à l’avant des valeurs opprimantes. Qu’on mette le drapeau en berne pour un gars pour qui je n’ai aucun respect comme Pierre-Elliott Trudeau, par exemple, ça ne me dérange pas. Et encore moins pour Audrey Best. À ce point, c’est du qualitatif et du quantitatif. Et jamais, ça ne fera l’unanimité.

  3. Je me rallie à votre point de vue mon cher M. Gagnon dans la mesure où il s’agit d’un geste de politesse. Tout à fait d’accord. Un geste de politesse qui aurait très bien pu se traduire par un petit discours sobre ou une lettre de condoléances à la famille de la défunte. Voilà où il faut faire la distinction entre politesse et politique.

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