Le documentaire : réalité ou propagande ?
Par Dominique Fortier • 26 décembre 2007 à 14:52Depuis quelques années, le documentaire est devenu une format cinématographique de plus en plus à la mode. Michael Moore a donné le ton avec « Bowling for Columbine » et « Farenheit 9/11 ». Mais la question demeure : Est-ce que le documentaire est objectif ou subjectif ?
On nous a appris en journalisme que l’objectivité doit primer coûte que coûte mais on se rend compte très rapidement qu’on peut difficilement dissocier la nouvelle de l’opinion personnelle d’un journaliste. Pour illustrer tout cela concrètement, je vous offre deux versions d’une nouvelle écrite par deux journalistes différents. La déduction va de soi. Un article doit parler des difficultés de Stéphane Dion à faire monter sa cote de popularité dans les intentions de vote.
Voici d’abord une phrase du premier journaliste : « Malgré ses efforts vains, le chef contesté du parti libéral du Canada n’arrive pas à convaincre l’électorat qu’il est l’homme de la situation. »
Voici maintenant une phrase venant d’un autre journaliste sur le même sujet : « Stéphane Dion, politicien chevronné et d’expérience, réussit lentement mais sûrement à faire changer d’avis à ses détracteurs. »
De toute évidence, le premier journaliste n’apprécie pas Stéphane Dion. Il est fort probablement d’une allégeance politique autre que Libéral tandis que le deuxième journaliste cherche visiblement à défendre le chef libéral. Qu’on le veuille ou non, on se fait influencer dans un sens ou dans un autre tout dépendant où l’on puise nos informations. Quand on regarde un documentaire, c’est la même chose. Le caractère sérieux de ce dernier a tendance à rendre son contenu plus crédible, voire indiscutable. Dernièrement, j’ai regardé « Sicko » de Michael Moore et « Les voleurs d’enfance » de Paul Arcand. Si on prend tout ce qu’il y a dans ces documentaires sans se questionner davantage, on peut très bien adhérer aux théories des réalisateurs. C’est justement là que ça devient dangereux. Par exemple, dans « Sicko » où Moore compare les différents systèmes de santé à travers le monde; il y a un segment où le célèbre documentariste amène des américains se faire traiter gratuitement à Cuba! Oui, oui, Cuba! Les Américains reçoivent un traitement royal et tout ça… sans frais! Je veux bien croire en la générosité des Cubains mais permettez-moi de douter de leur « ouverture » si le tout ne s’était pas déroulé dans le cadre d’un film justement destiné à comparer les systèmes de santé. Même chose lorsque Moore se rend au Canada pour interroger des gens sur la qualité de leurs hôpitaux. Les seules déclarations intégrées dans le documentaire sont deux patients qui affirment ne jamais avoir attendu plus de 45 minutes dans une salle d’attente. Nous sommes bien placés pour savoir que tout n’est pas si rose dans notre système de santé.
Ensuite il y a « Les voleurs d’enfance » de Paul Arcand. Encore là, pour donner du mordant et de la crédibilité à son film, Arcand souligne, bien évidemment, des cas horribles où des enfants sont enfermés dans des salles d’isolement pendant des jours ou d’autres cas où des jeunes sont catapultés dans des dizaines de familles d’accueil alors qu’ils ont à peine 5 ou 6 ans. Je ne remets pas en doute ces cas mais à la fin du film, le téléspectateur a nettement l’impression que la DPJ n’a jamais rien accompli de bien et pire encore, qu’elle ajoute aux malheurs de ces jeunes. Arcand avait des motifs nobles en créant ce documentaire. Il voulait venir en aide aux enfants. Mais il faut être prudent. Le documentaire démontre les pires cas; il ne fait aucunement mention des réussites de la DPJ. La même règle s’applique à « Sicko ». Il est faux de croire que tout est rose dans les systèmes de santé au Canada, en France et en Angleterre. Le réalisateur veut prouver un point. Il veut dénoncer quelque chose qu’il juge injuste ou inacceptable. Et dans cette optique, je suis tout à fait d’accord. Mais il ne faut pas oublier que pour convaincre des millions de gens, il faut parfois montrer des cas extrêmes. Et ces cas ne sont pas toujours représentatifs de la réalité quotidienne. Pour un enfant malmené par la DPJ, il y en a peut être 5 qui ont vu leur vie changer pour le mieux.
Il est essentiel, même primordial d’éveiller la conscience sociale des gens sur des aberrations qui nous entourent et à cet effet, je lève mon chapeau à Moore, Arcand et tous les autres pour leur travail colossal. Mais ce qui est encore plus important à mon avis est que chaque citoyen soit capable de faire la part des choses et ensuite former sa propre opinion. Une personne informée, c’est bien. Une personne informée qui analyse, qui se questionne, qui recherche et qui ne gobe pas tout ce qu’on lui met sous la dent, c’est encore mieux.
Par Dominique Fortier
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