Le dilemme afghan
Par Jonathan Habel • 27 septembre 2007 à 0:00Désolé de te pourrir l’existence à mon tour sur ce sujet, cher lecteur, mais cette semaine, je traiterai de la mission militaire canadienne dans ce gigantesque carré de sables rocheux qu’est l’Afghanistan. Le pire, c’est que je n’ai pas vraiment grand-chose à rajouter ; les supporteurs de la mission ont clamé haut et fort leurs arguments, peu nombreux et répétitifs, mais puissants. Ceux qui demandent le retour immédiat de nos boys aussi ont crié sur les toits leur opinion sur ce sujet controversé : beaucoup de raisons, mais également beaucoup de motivations pour celles-ci, et pas toujours très altruistes. Parce qu’avant tout, malgré les morts, les attentats, les combats incessants, il s’agit bel et bien d’une mission de paix. Comme la Bosnie, comme le Rwanda. Une mission de paix. Pas une excursion exotique, une mission de paix. On se comprend ?
Je comprends la plupart des raisons qui sont évoquées de part et d’autre, et c’est bien la première fois que ma chronique traite d’un sujet sur lequel je n’ai pas vraiment d’opinion tranchée, bien que je penche parfois d’un côté ou de l’autre, pour différentes raisons. En fait, je suis presque content d’avoir jusqu’en février 2009 pour y penser. Cependant, je trouve que chaque argument amené est discutable, simplement parce que la plupart de ceux qui les formulent semblent soit considérer que cette guerre est le Viêtnam du 21ème siècle, soit ne réfléchissent tout simplement pas par eux-mêmes, une des activités préférées des Québécois et des Nord-Américains en général.
Est-ce que les Afghans veulent vraiment la démocratie ? Sont-ils prêts pour celle-ci ? Est-ce que c’est vraiment cela qui les attend après la défaite définitive des Talibans ? Aucune de ces questions n’a trouvé de vraie réponse jusqu’à maintenant. Et, dans cette zone grise, le Canada accomplit sa tâche, une école à la fois, un village à la fois, un hôpital à la fois. Un mort à la fois. Les raisons qui nous ont mené là sont peut-être discutables et même condamnables, mais on n’en est plus là. Et puis, il fallait bien que quelqu’un botte le cul à ces sales Talibans. On est en 2007, on le sait que les Américains n’en ont jamais eu rien à foutre de trouver Ben Laden. On le sait que c’était profitable à Bush et sa clique d’avoir des chiens de poche comme nous pour faire la sale besogne dans ce pays. Le fait est quand même que maintenant on y est et que foutre le camp, même si la gratitude semble être une denrée rare dans le désert afghan, serait une fort mauvaise idée.
D’un autre côté, je déteste les connards et les rednecks qui ont vite fait de comparer les pertes canadiennes dans ce conflit (71 jusqu’à présent) à celles de la guerre de Corée et des guerres mondiales du dernier siècle, en disant qu’on devrait arrêter de se plaindre, encaisser le coup comme des hommes et aller jusqu’au bout, même si ça veut dire rester jusqu’en 2015. Parfois je suis d’accord avec un prolongement de cette mission, non pas parce que nos grands-pères sont morts par centaines à Valmy, à Dieppe ou sur les plages de Normandie, mais parce que c’est ce qu’on a à faire. Ce qu’on a à faire, c’est d’aider les gens, ceux qui crèvent sous le joug de l’oppression. Je continue à penser que dans la plupart des endroits du monde, de façon générale le monde est un meilleur endroit maintenant qu’il ne l’a jamais été. Bien des gens trouvent que le monde est laid, mais à chaque jour, je pense qu’il est un peu plus beau. Bien entendu, ça ne se fait pas tout seul. Et oui, certains jours je me prends à penser que grâce à nos soldats qui sont là-bas, à saupoudrer un peu d’espoir ici et là, je crois qu’un peu du gigantesque travail de rendre notre monde meilleur se fait là-bas par nos troupes.
Il est évident que notre présence là-bas est bénéfique, et par conséquent utile. La question est de savoir si elle est appréciée à sa juste valeur (désolé, mais souvent je doute), et si c’est une raison pour la prolonger indéfiniment. Est-ce que l’Afghanistan deviendra le nouveau terrain de jeu de l’Amérique après la guerre (ceci dit, pas mal juste pour le beach volley d’après moi) ? Je comprend aussi les Afghans de choker quand on leur demande de se placer clairement d’un côté comme de l’autre. Être la bitch des États-Unis c’est pas évident et ça pousse à se révolter encore, parlez-en aux Cubains. Mais avec tout ça, on se demande si ça vaut vraiment, dans le sens de VRAIMENT, la peine. Pour nous, les Canadiens, ou même les troupes de l’OTAN en général. Sans arrière-pensée, est-ce que les gens qui habitent cet endroit veulent et / ou sont prêts pour avoir un réel régime démocratique ? Parce que c’est pour cela que nos boys sont là-bas.
Bref, est-ce qu’on veut de nous ? Si oui, sommes-nous prêts à faire le sacrifice, c’est-à-dire supporter les pertes, faire face à ceux qui, ingrats mais isolés, nous demandent de partir ? Sinon, que devons-nous faire, devrions-nous envisager de tout simplement lever le camp ou devrions-nous persister, que ce soit de l’obstination ou du courage ? Quel dilemme…
Par Jonathan Habel
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J’ai deux avis sur ce sujet. L’avis philosophique et bien-pensant puis l’avis terre-à-terre et réducteur. Philosophiquement parlant, je pense un peu comme Jonathan Habel (vous savez le type qui a écrit l’article que je suis en train de commenter). En gros, j’ai aussi cette pensée utopique qui veut que l’on se dirige vers un monde meilleur. Pensée utopique ou pensée magique ? Allez savoir! Chose sûre, les bonnes intentions attirent généralement de bons résultats. Pour ce qui est de mon avis réducteur, je pense que l’armée canadienne n’a pas beaucoup de portée et que son soutien là-bas ne fera pas autant de vagues que le mépris porté envers le gouvernement à travers le Canada. Je n’ai jamais été en faveur de la guerre et je n’aime pas qu’on parle d’une grosse guerre par rapport à une autre (comme si c’était si héroïque d’avoir buté plus de gens pour gagner une cause plus valable). En réglant un problème par la guerre, on en crée un autre. Un mal pour un mal. Et le laisser-aller ne semble pas être une meilleure solution (pensons au Rwanda). Ouais, un sacré dilemme…
J’ai apprécié te lire même si mes sentiments sont mitigés. Je n’ai pas d’opinion claire moi non plus. Bien sûr que je suis contre la guerre et les morts que je juge inutiles. Je pense qu’on est très loin de la paix là bas, un ami qui est là bas me l’a confirmé. Le poids du Canada est tellement minime par rapport à tout ce qui a à faire que je me demande si notre présence est justifée. Par contre, ils sont dans la marde, et si j’étais dans la marde, j’aimerais ça qu’on m’aide moi aussi. Mais la vraie question c’est de savoir si on se ferait vraiment aider si on était dans la merde de même. Je pense plutôt qu’on se ferait écraser et envahir. Alors.. je suis pas vraiment certaine où on devrait se placer…