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ÉditorialPuisqu'il y a des choses qui doivent être dites, aussi bien les dire avec une verve franche et directe. Des sujets chauds, traités vivement sans trop de fioritures.

Jeux de cartes

Par • 17 avril 2008 à 0:00

Dans la catégorie « sujets importants mais ennuyants au possible », on a eu droit dernièrement au débat sur la réforme de la carte électorale. Cette discussion, beaucoup plus intéressante qu’il n’y paraît au premier abord, est comme une analyse inconfortable de la situation « Montréal vs. Les Régions », ou encore « Les Grands Centres c. Les Grands Espaces ». Pour vous résumer un peu la situation, voici pourquoi certains pensent qu’il faudrait réformer cette carte d’une façon, et d’autres pensent qu’il faut la mettre à jour d’une autre façon :

 

– Les électeurs montréalais, dans la situation actuelle, sont sous-représentés à l’Assemblée Nationale. Comme le soulignait Michel C. Auger sur le site Internet de Radio-Canada, un électeur gaspésien (ou tiens, un cas personnel : un électeur de Chibougamau, dans Ungava, comme moi) a environ deux fois plus de poids qu’un électeur de la plupart des comtés de l’île. Et ça, ça rend les Montréalais pas contents. Vous conviendrez qu’il y a de quoi : s’il y a en moyenne un député pour 61000 personnes au Québec, aucune raison pour que les habitants de Ville Saint-Laurent ou de Rosemont se contentent d’un mec par tranche de 90000.

 

– Les électeurs des régions, eux, prétendent que leurs députés doivent parcourir de bien plus grandes distances que leurs homologues montréalais pour sillonner leur comté (et je vous garantis que dans le mien, on voit monsieur Ferland assez peu souvent) ; que des subventions à un seul comté à Montréal profite à bien plus de gens, et que de leur enlever leur poids électoral équivaudrait à accélérer l’étouffement dont ils souffrent (l’exode des jeunes étant la plaie numéro un). Les gens des régions, surtout celles éloignées de Montréal et de Québec, sont pas contents non plus, et avec raison : ce serait manifestement aggraver le problème que de vouloir le régler simplement par les mathématiques.

 

Et vous savez quoi ? Comme dans bien des cas, un côté a tort pour les bonnes raisons, et l’autre a raison mais pour les mauvais motifs. Oh, bien loin de moi l’idée de prétendre détenir la solution à tous ces maux électoraux, ou de vouloir faire une leçon de morale à mes concitoyens québécois. Sincèrement. Après tout, pourquoi les Montréalais seraient-ils empathiques aux Gaspésiens, et pourquoi les électeurs du comté de Chicoutimi-Nord  se rangeraient-ils à côté de leurs compatriotes de Pointe-Aux-Trembles ? C’est parfaitement normal de vouloir tirer la couverte de son bord. Surtout que l’on se connaît si peu entre nous, les Québécois.

 

Je vais donc me contenter de parler du comté d’Ungava, dans lequel je vis. Malgré sa grandeur, Ungava n’a que 24000 électeurs. Créé en 1980, à l’époque où, par exemple, les villes de Chibougamau et  Chapais formaient une « agglomération » de plus de 17000 habitants, le comté d’Ungava s’est peu à peu dépeuplé depuis. Pourtant, sa situation de région-ressource est primordiale : presque toute l’alimentation en électricité pour l’Est du Québec passe par ici, et l’explosion des prix des matières premières sur les marchés mondiaux en fait une espèce de large coffre au trésor, rempli d’or et d’argent pour le futur, sans compter son potentiel déjà connu en hydro-électricité dans l’ouest, à la Baie James. On pourrait, dire, pompeusement, que tout cela vaut bien une usine de textiles à Montréal-Nord. Nous avons tort de vouloir garder ce comté à tout prix malgré le débalancement de la population. Mais pour les bonnes raisons.

 

Par contre, laisser la situation se détériorer comme elle le fait présentement, c’est aussi dénigrer l’électeur des grands centres. C’est dire, laisser entendre, prouver que l’électeur de Rosemont a carrément moins de valeur, politiquement parlant, que son vis-à-vis à Val-d’Or. Peu importe les richesses contenues dans le grenier québécois du Nord, aucune raison n’est suffisante pour enlever à quelqu’un sa voix politique. Et surtout pas des raisons financières. Mais de là à dire qu’il faut réformer vite et dur, par le froid calcul des fonctionnaires… Ceux-là ont raison de protester, mais pour les mauvais motifs.

 

Faut-il augmenter le nombre de députés, et donc de comtés au Québec, pour satisfaire les gens des régions ? Faut-il recalculer le tout avec la nouvelle donne, et sabrer sans compromis dans la représentation politique à Québec ? Bref, allons-nous encore relancer le stérile débat entre Montréal et l’autre moitié de la province ? Aussi ennuyant que puisse sembler être ce débat, il demeure cependant l’un des plus importants de l’histoire récente du Québec, et seul l’avenir nous dira si nous avons l’intelligence de résoudre ce problème pour le mieux, et pour tous.

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Une Réponse »

  1. Tout d’abord, toutes mes félicitations pour ce texte. Les exemples utilisés touchent à plusieurs régions du Québec, ce qui facilite l’assimilation du concept. Bravo. Et je me suis senti visé par l’électeur de Rosemont (puisque j’en suis un). Toutefois, je ne me sens pas laissé de côté, ni touché par la moins grande représentativité des députés élus dans la région métropolitaine. Ce n’est pas le nombre de citoyens qu’un candidat représente qui compte, à mon avis. Ce qui fait la différence, c’est le poids réel que ce dernier possède au sein de son parti, ses idées, sa cote de confiance (de la part de la population et de ses confrères) ainsi que son statut au sein du gouvernement. On s’entend que si le Premier Ministre est dans ma circonscription, peu importe le nombre d’électeurs, ça va avoir plus de poids!

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