Entrevue avec Fred Pellerin
Par Pierre-Luc Gagnon • 2 octobre 2007 à 0:00Il raconte ce qu’on lui raconte, mais avec plus de verbes. Pour lui la vie est un conte. Un conte bien ancré à Saint-Élie-de-Caxton. Il s’appelle Fred Pellerin et il conte… et il conte… Coûte que coûte, il conte. Après trois livres-CD, ce chevelu aux lunettes rondes est en train de préparer un album de musique traditionnelle avec son frère. Et pour notre plus grand plaisir, au conte compte de trois, il répond à nos 11 questions. 1, 2, 3!
01. À part Saint-Élie-de-Caxton, quel est le meilleur endroit au monde pour vivre ?
Je joue le chauvin échevelé de ce Saint-Élie-de-Caxton parce que c’est un village qui m’habite. J’y suis né, mon père y a vécu, mon grand-père de même, son père à lui et son grand-père aussi. Cinq générations mises bout à bout, ça fait la racine longue. C’est un peu pour ça que j’y suis tant planté. Aussi parce qu’en naissant dans un village, tu développes un réseau d’amis, de connaissances, de relations avec les gens qui y vivent. À partager, voisiner, tu développes une vie communautaire. Le village devient un clan. Après trente ans, je ne crois pas pouvoir reconstruire ça ailleurs. C’est tout. Et les meilleurs endroits où vivre ? Selon moi, ce sont tous ces « chez soi », différents pour chacun. Que l’important ce soit encore d’en avoir un, de se sentir à sa place dans un lieu, dans une communauté.
02. Sans indiscretion, avec votre succès actuel, est-il possible de vivre de vos écrits ? En d’autres mots, vos contes paient-ils vos comptes ?
Mes contes règlent mes comptes, oui. En dehors des emplois d’été que j’ai eus lorsque j’étais étudiant, je n’ai jamais eu d’autres emplois que celui de conter. On entend parler de moi beaucoup depuis deux-trois ans, mais ça fait un bon dix ans que je tire subsistance de ma langue, à promener mes histoires dans les oreilles du Québec, de la France, de la Suisse et de la Belgique.
03. Et justement, avec cette popularité qui vous colle, vous arrive-t-il encore de faire des choses toutes simples tel que des soirées de contes dans un sous-sol d’église ?
Malgré que je présente mes spectacles dans des grandes salles et que mes livres aient eu un grand succès en librairie, j’ai des habitudes de vie trrrès simples. Bien sûr que je dois choisir les engagements que je prends, parce que les demandes sont nombreuses, mais je continue de jouer dans des petits lieux, de rencontrer des étudiants dans des écoles, et encore.
04. Vos livres offrent une expérience particulière aux lecteurs puisqu’ils sont offerts avec un disque. Il est donc possible de vous lire et de vous entendre. Quand pourrons-nous vous voir en DVD ?
Le projet d’un dvd est sur la tablette pour le moment. Pour le dernier spectacle, on a fait des captations vidéo, mais je ne voulais pas sortir un dvd pendant la tournée parce que je pense que le spectacle offre un expérience que le dvd n’offrirait pas. Toutefois, maintenant que la tournée est finie, il se pourrait qu’on se penche sur le projet. Je sais pas quand, je sais pas comment.
05. Vos récits démontrent très bien votre plaisir à jouer avec les mots. Est-ce une tendance propre à vos livres ou alors le Fred Pellerin de tous jours se plaît-il aussi à tordre le vocabulaire ?
Le Fred Pellerin de tous les jours a le verbe moins fou, parce que ça demande un délire synaptique assez grave pour se virer la langue autant dans le trou de bouche. En spectacle, j’ouvre la porte à une folie que je contient dans la vie de tous les jours. D’ailleurs, je suis assez silencieux dans le quotidien. Je suis un gars qui écoute plus qu’il ne parle. Si je joue moins avec les mots, toutefois, j’ai l’oreille ouverte. Les perles de vocabulaire, je les savoure toujours. Je cherche à en entendre pour m’en construire de nouvelles.
06. Les conteurs sont souvent des hommes âgés qui déballent leur expérience en petites (ou très longues) histoires. À peine entré dans la trentaine, comptez-vous conter jusqu’au bel âge ?
Je ne sais pas jusqu’à quand je conterai. Je me suis toujours dit que j’espérais avoir le courage de fermer ma gueule le jour où je n’aurais plus rien à dire. Pour le moment, j’ai encore plein de projets dans le conte. Toutefois, si jamais je frappais un mur dans la parlure, j’ai aussi une foule d’idées à oser dans la musique, dans l’enseignement, et encore…
06. Servez-vous de votre imagination débordante pour nous expliquer pourquoi il y a deux questions #6 et aucune question #7.
L’orbite des planètes et le viraillage de la terre sur elle-même sont à l’origine des saisons et des jours qui passent. C’est dans ces cycles qu’on a trouvé façon de mesurer le temps, de se donner des repères dans la ligne de l’éternité. C’est en calculant la course des planètes qu’on a imaginé les journées sur 24 h ; les ans sur 365 jours. Et ça balance. Presque toujours. Parce qu’il reste parfois quelques miettes sur certains tours. On doit donc compenser pour se remettre les pendouilles à l’heure. Ainsi parfois, on a l’illusion que le temps passe plus ou moins vite. On se perd donc une année bissextile de temps en temps. Les questionnaires sont des gens comme les autres. À eux s’appliquent les même règles qu’à nous. Et bien que le règlement interdisse aux questionnaires de dix question de dépasser dix questions, il arrive qu’on doive se réaligner les flûtes pour compenser toutes ces miettes accumulées. Un journaliste sensible s’en ressentira et, une fois tous les quatre ans, il ajoutera une question. La croyance populaire, en Amérique du Nord, voudra qu’il double la question six, qu’il raye la sept, et en ajoute une onzième, pour brouiller les pistes et se maintenir l’horoscope propre. Voilà.
08. Cette question vous est offerte pour vous donner l’occasion de nous parler de ce que vous voulez (annoncer un spectacle, parler d’une cause, dénigrer un ennemi…) Comment allez-vous l’utiliser ?
À dire, parler, jaser depuis dix ans, je me suis parfois enfargé dans les chansons. À chercher des vieilles histoires, de vieux airs se sont parfois infiltré dans mes oreilles. Aussi, ces jours-ci, avec mon frère, on est a construire un album de chansons traditionnelles. Une expérience différente. À se renfermer dans un studio et penser chaque note, à donner de l’accord aux bruits, à battre la mesure pour y enlever les poussières. C’est un secret, évidemment, autrement j’en aurais pas parlé ici. Ça sortira en novembre.
09. Il semblerait que vous êtes en train de nous concocter un album de musique pour novembre 2007. À quoi pouvons-nous nous attendre ? Votre musique s’entrelacera-t-elle avec l’univers de vos comptes ?
C’est fou comment la question 8 est bavarde. Pas fini de lui écrire ce secret, que déjà la 9 est au courant!
10. Et quant à ce nouveau spectacle prévu pour l’automne 2008… on peut avoir un scoop ?
Je n’ai pas de scoop, parce qu’il n’y a pas de spectacle encore. Je voudrais me pencher sur le personnage du forgeron ou celui de la sorcière du village. Je travaille présentement sur l’album, aussi sur le film que j’ai écrit et qui sera tourné à partir d’octobre. Dans le plan de match, je prévois ensuite quelques semaines de mollo, et je replongerai dans la conterie. J’irai jaser intensivement avec les vieux du village, je fouillerai dans mes notes, dans les recueils de contes, et je verrai ce qui se présente. Mon idéal serai d’avoir le temps d’arriver avec un spectacle neuf pour l’été 2008, à présenter à Saint-Élie-de-Caxton, comme on l’a fait cet été. Mais ça risque d’être serré.
11. Pour terminer, cher conteur, racontez-nous donc une petite anecdote rapide pour terminer en beauté…
L’anecdote ? C’est qu’en répondant aux questions, j’ai passé tout droit l’heure de mon rendez-vous de 10 h 07 ce mardi matin. Sept minutes de retard sur une conférence de presse. Le dénouement. Aucune idée encore. J’ai hâte de savoir !
Par Pierre-Luc Gagnon
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Excellente entrevue, même si je déplore l’absence de la question 7. Mais où est-elle passée, elle qui d’habitude est si ponctuelle ?
J’ai eu la chance d’aller voir Fred Pellerin à Paris en avril 2006 et, malgré mes premières appréhensions et un décalage horaire tout frais, j’ai vraiment apprécié l’expérience, tout autant que les cousins, apparemment. J’aurais voulu savoir si Fred trouve plus difficile de raconter ses histouères devant un public européen ; j’imagine que c’était justement la question 7 😛
Anyway, entrevue très intéressante.
Ce gars-là est mon idole! Il a fait renouer un grand nombre de personnes avec les traditions orales.
Non, mais… Donnez-lui un prix quelqu’un!
[…] traditionnelles françaises, et notamment : il était une bergère. Le plus extraordinaire, dit Fred pellerin, c’est qu’il n’y a jamais eu de bergère à garder ses blancs moutons au […]