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Chronique classiques du cinéIl y a de ces films inoubliables. De grands réalisateurs au grand écran... du grand cinéma pour de grands moments!

Croix de fer (Cross Of Iron) : Si tu es brave, tu iras en enfer (1977)

Par • 16 mai 2009 à 21:15

film_cross_of_iron1943 : sur le front russe en Crimée. Les armées allemandes battent en retraite devant les soldats soviétiques et ne se font plus d’illusions sur l’issue de la guerre. Le sergent Steiner et son peloton continuent toutefois de se battre pour survivre en attendant de pouvoir rentrer en Allemagne. Arrive alors le capitaine Stransky, qui a demandé à se faire muter sur le front russe dans le but d’obtenir la Croix de fer, la plus haute distinction et décoration militaire du Reich pour bravoure au combat. Steiner a déjà obtenu cette croix depuis longtemps, et comme en plus Stransky n’aime pas l’attitude de celui-ci, une antipathie profonde et dangereuse se développe entre les deux hommes. Lors d’une contre-attaque allemande, Steiner est blessé et transporté à l’hôpital pour six mois. Lorsqu’il revient à son poste, Steiner refuse de signer un témoignage permettant à Stransky d’obtenir la fameuse Croix de fer, car Stransky a menti dans son rapport afin de pouvoir l’obtenir. Furieux envers Steiner, Stransky se venge en omettant volontairement de lui transmettre un ordre de repli lors d’une attaque des Soviets. Steiner et son peloton réussissent toutefois à se faufiler difficilement à travers les lignes ennemies pour rejoindre leur camp. Ayant appris leur probable retour, Stransky profite de la confusion pour ordonner aux soldats allemands d’ouvrir le feu sur eux. Steiner échappe au massacre et il force Stransky, dans un éclat de rire cynique, à venir avec lui attaquer l’armée soviétique au lieu de battre en retraite pour « lui montrer comment se gagne une Croix de fer ».

Sous l’égide d’un producteur allemand spécialisé dans le cinéma pornographique et d’un groupe de producteurs britanniques, Sam Peckinpah a réalisé un chef-d’oeuvre du film de guerre,  malgré un tournage houleux et extrêmement difficile. En tant qu’artiste du cinéma se spécialisant notamment sur l’exploration de la violence et nanti d’un penchant pour le carnage, Peckinpah se devait logiquement de réaliser un film de ce genre très populaire. Il a toutefois eu l’idée géniale d’en contourner plusieurs codes et clichés pour offrir un portrait férocement cynique et antimilitariste de la guerre. C’est ainsi que l’auteur a évacué l’héroïsme guerrier, la reconstitution historique des évènements et le manichéisme habituel opposant les soldats alliés face à ceux de l’Axe, au profit d’un conflit humain entre deux protagonistes allemands (une première dans le genre!) face un univers qui s’écroule ou se décompose physiquement et moralement devant eux. Les scènes de batailles (truffées d’effets de style que l’on retrouve généralement dans les autres films de Peckinpah) sont donc paroxystiques et secouent vraiment le spectateur par leur extrême violence, plus encore que la séquence d’introduction de « SAVING PRIVATE RYAN » de Spielberg tournée pourtant 20 ans plus tard.

L’intrigue cultive l’ambiguïté et la complexité avec habileté pour s’autoriser des développements surprenants et originaux dans le récit, qui se veut avant tout une dissection des personnalités composant un microcosme, plongé dans l’horreur d’un conflit guerrier, mais chacune apportant un comportement,  des motivations et des attitudes bien différenciées.  Le tout est donc parsemé de séquences aussi traumatisantes que mémorables, délivrant un propos des plus amers sur la bravoure en temps de guerre, et ce n’est pas la dernière image, faussement détendue, qui entame l’impression durable de vivre un sorte d’apocalypse faisant sombrer l’oeuvre dans un pessimisme noir et une ironie totalement absolue généralement chers à Peckinpah. Par ailleurs, la mise en scène, en plus d’être personnel, s’avère techniquement efficace car on n’a jamais l’impression que le budget du film est très ordinaire en le regardant. Visiblement,  le montage a joué un rôle important dans la réussite de ce long-métrage.  À la fois rigoureux et impertinent, maîtrisé et libérateur, tragique et mordant, « CROSS OF IRON » est du grand cinéma comme on n’en fait plus. Un vrai joyau du septième art où tous les acteurs sont formidables. Voici pour conclure la citation de Bertold Brecht employée par Peckinpah vers la fin du film qui en résume très bien l’esprit:

« Ne vous réjouissez pas de la défaite du monstre car, à travers le monde qui l’installa, puis l’arrêta, la putain qui l’a engendré est toujours en chaleur. »

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