Call-TV, ou le nouveau pas en avant de la connerie télé (Troisième partie)
Par Mathieu Lemée • 25 août 2009 à 10:21Avec ses 113 000 auditeurs en moyenne comme cote d’écoute entre 23 heures et 1 heure du matin, TQS a toute les raisons de se frotter les mains de satisfaction. Mais si »Call-TV » répond aux besoins d’une frange du public qui regarde la télévision à des heures tardives, l’émission a aussi de nombreux détracteurs. En effet, de nombreux blogs et sites web dénoncent la bassesse mercantile du Mouton noir de la télé pour avoir autorisé la diffusion d’une telle émission »bouche-trou ».
La situation est cependant encore plus compliquée qu’il n’y paraît. Plusieurs personnes qui ont voulu porter plainte contre l’émission, soit pour dénoncer ses actes frauduleux, soit pour exiger son retrait des ondes, se sont heurtés à un véritable labyrinthe administratif et légal.
C’est que l’une des astuces que les concepteurs de »Call-TV » ont trouvé pour passer au travers des mailles du filet légal, est que le produit dans sa définition, oscille entre le jeu télévisé et l’infopub. Les balises entre les deux ne sont d’ailleurs pas clairement définis; le site web de l’émission disant qu’il s’agit d’un jeu télévisé, alors que les animatrices prétendent le contraire en ondes, en affirmant qu’il s’agit d’une infopub. La confusion augmente encore si on ajoute à cela le fait que certains paramètres de l’émission la ramène au rang d’une loterie. Or qui dit loterie dit tirage ou jeu de hasard, sauf que »Call-TV » ne s’affiche pas ouvertement comme une loterie, tout en affirmant ouvertement avoir des »lignes de la chance » et que les appels sont sélectionnés au hasard, quand en réalité, ils sont sélectionnés par un système informatisé, sans que le tout passe pour un tirage à l’évidence.
C’est là qu’intervient l’autre astuce imaginée par les producteurs de »Call-TV » pour éviter les restrictions légales et éluder les lois québécoises. Comme vous le savez sans doute, tout ce qui concerne les loteries et les jeux de hasard au Québec, est sous l’autorité de la Régie des Alcools et des Jeux et de Loto-Québec. Mais comme l’émission est tournée en Autriche, elle échappe au contrôle de la Régie et de Loto-Québec. Les personnes voulant porter plainte contre l’émission à ces organismes se voient donc transférer ailleurs.
Alors à qui porter plainte, vous demandez-vous? Eh bien à cause du floue entourant les règles de l’émission, et son concept qui fait dans l’entre-deux-chaises, personne ne sait avec exactitude si »Call-TV » est un jeu télévisé, une loterie, une infopub ou même un divertissement, puisque l’émission n’est pas identifiée comme un élément de la programmation régulière à TQS. Tant et si bien que la plupart des organismes gouvernementaux se renvoie la balle à qui mieux mieux, comme dans une partie de ping-pong interminable. Dans un article de Hugo Dumas, paru dans »Cyberpresse » le 9 juin dernier, l’auteur lui-même affirma: »j’ai été écartelé entre le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), le Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR), le Bureau de la concurrence, l’Office du consommateur, la Régie des alcools, des courses et des jeux et Loto-Québec » afin de savoir où le public pouvait transmettre ses récriminations.
Toujours dans le même article, Hugo Dumas constate qu’il y a un hic: »Le CRTC ne sait pas trop s’il examinera les plaintes ou s’il les refilera au Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR). Misère. De son côté, le Bureau de la concurrence du Canada, qui s’attaque notamment aux pratiques commerciales trompeuses, assure que «toutes les plaintes reçues seront examinées» ». On comprend vite qu’avec une telle toile d’araignée, ce tissage hybride permet également aux producteurs comme aux diffuseurs de se dégager de toutes responsabilités si quelque chose devait clocher pendant le déroulement du jeu, si la solution du jeu n’est pas logique avec où si une personne n’était pas d’accord avec la facturation de son compte de téléphone, après avoir participé à »Call-TV ».
Le concept de la »télé-tirelire », nous l’avons déjà dit, existe déjà dans de nombreux pays depuis le début du nouveau millénaire. Devant cependant le nombre élevé de plaintes soumises aux instances gouvernementales, concernant les émissions de type »Call-TV », certains ministères publics, agences ou commissions, ont décidé d’intervenir concrètement, en imposant des règles claires afin d’éviter que les producteurs de ces émissions de se dissimulent derrière des astuces légales.
Ainsi en France, il reste très peu d’émissions de ce genre suite aux pressions du CSA, et celles qui restent jouent durant une période limitée et sont diffusées à des heures très tardives de la nuit. Dans ses recommandations, la CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) et le CNP (CSA au Luxembourg) ont eux-mêmes qualifiés ces émissions bouche-trou « d’arnaques » et elles continuent de veiller au grain. Seule une chaîne câblée de jeux télévisés diffusaient encore des émissions de ce genre en quantité normale, mais les spectateurs pouvaient porter plainte au CSA, et ils avaient le droit d’exiger par écrit le remboursement des frais d’appels de participation. Cette chaîne câblée a fermé ses portes depuis deux ans.
En Belgique, si des émissions de ce genre jouent encore, un règlement précise qu’ils doivent être approuvés par la Commission des Jeux de Hasard avec des règles plus strictes avant de se voir autoriser la diffusion, et que les spectateurs peuvent porter plainte à la Commission s’ils se sentent le moindrement lésés. Le site-web du Call TV belge se doit obligatoirement de mentionner les coordonnées de la Commission sur sa page des règlements des jeux, d’afficher des informations lisibles et explicites (imposées par la Commission) à l’écran pendant la diffusion des jeux, et de rappeler aux téléspectateurs qu’ils ont le droit de porter plainte. De ce fait, il y eut de nombreuses plaintes pour fraudes et tricheries flagrantes concernant certaines émissions encore en ondes, si bien que ces émissions sont sous haute surveillance de la Commission actuellement et elles pourraient être très bientôt retirés des ondes après enquête.
Au Pays-Bas, les émissions de Call TV ont fait couler tellement d’encre que le Ministère Public a dû intervenir. Une enquête de l’Inspection du fisc a révélé des cas de fraudes flagrantes, et une lettre du ministre aux chaînes diffusant ces émissions en ont aussitôt provoquer l’arrêt de diffusion définitive. Pour les quelques autres émissions existant encore, si une fraude est découverte, les producteurs devront verser une amende à chaque fois qu’ils se font prendre.
Pour en revenir au Québec proprement dit, il existe un site web très fréquenté du nom de »anticalltv.com », où les responsables de site, malgré tout le manque de clarté entourant l’émission de TQS (qui est maintenant rebaptisé V Télé), encouragent les gens désireux de porter plainte ou exigeant son retrait des ondes, grâce à des liens menant aux divers organismes mentionnés publiés sur le site. On y trouve également des moyens pour essayer de comprendre la »supposé logique » derrière les solutions des jeux, et de nombreux autres renseignements afin d’informer le public regardant l’émission qui y participe activement.
Cette zone grise ou ce manque de clarté montre clairement que l’émission vend du rêve aux téléspectateurs, justifie les frais de 1$ par appel ou message texte, et permet de camoufler habilement comment » le hasard » détermine le nombre d’appels entrant en studio, alors que cela n’a rien à voir avec le hasard, mais plutôt grâce à un système parfaitement rodé pour obtenir un maximum de revenus avec les appels et les SMS, tout en entretenant l’illusion que »vous avez des chances de gagner ».
Mais il semble que le CCNR (Conseil Canadien des Normes de Radiodiffusion) ait finalement décidé d’intervenir devant la grogne croissante des auditeurs québécois envers »Call-TV ». Après avoir étudié plus de 185 plaintes, le CCNR a rendu une décision le 19 août dernier concernant l’émission controversée. Dans ses conclusions, le CCNR souligne le caractère »douteux » et »incompréhensible » de certains jeux, et le manque de transparence du concept, qui correspond à son avis plus à un jeu télévisé qu’à une infopub, ce qui contrevient à l’article 12 du code de déontologie de l’Association Canadienne des Radiodiffuseurs:
‘‘La conception et l’exécution de tous les concours et promotions qui passent à l’antenne d’une station doivent se faire de façon équitable et légitime. Il faut plus particulièrement prendre soin qu’ils ne soient pas trompeurs et qu’ils ne risquent pas d’être dangereux ou de déranger ou perturber le public. Les prix offerts ou les promesses faites doivent être tels qu’ils sont représentés »
Le CCNR blâme donc le réseau TQS et non les producteurs de MassResponse, puisque selon les dispositions de l’article 12: »Chaque radiotélédiffuseur assume la responsabilité de la programmation de ses services autorisés – sa station, son réseau ou son service (…). Les titulaires de licences d’exploitation d’entreprises de radiodiffusion assument la responsabilité de leurs émissions. »
La réprimande du CCNR envers TQS n’équivaut néanmoins qu’à une tape sur les doigts. En effet, le CCNR n’interdit pas à TQS la diffusion de l’émission et n’exige pas son retrait des ondes. Pour avoir violé l’article 12 du code de déontologie, TQS n’est condamné qu’à diffuser la décision du CCNR sur les ondes de l’émission »Call-TV » et pendant les heures de grandes écoutes, tout en faisant savoir par écrit aux plaignants s’être pliée aux demandes du CCNR. Le directeur de la programmation de TQS, Robert Montour, a répliqué qu’il se plierait à la décision du CCNR, en publiant »un texte bidon » selon ses propres termes et que »Call-TV » est au contraire de la »bonne infopub ».
Par ailleurs, la décision du CCNR ne concerne pas les plaignants qui exigent un remboursement de leurs factures de téléphones, après avoir été injustement facturés pour des appels à l’émission quand la ligne était occupé. Les règlements sur le site web de »Call-TV » stipulent pourtant que seuls les personnes ayant obtenu la ligne, en studio ou par réponse automatisée, étaient facturées. Dans un article de la journaliste Nathaëlle Morissette publié sur « Cyberpresse » le 19 août dernier, le CCNR affirme »qu’il n’a pas la juridiction, ni la capacité d’enquêter sur cet aspect ».
Quant à ceux qui désiraient le retrait pur et simple de l’émission, ils devront prendre leur mal en patience. Ce qui est encourageant pour eux, c’est qu’en consultant la nouvelle grille horaire de l’automne de TQS ou V Télé, »Call-TV » n’y figure pas pour l’instant, et que selon certaines rumeurs, les trois animatrices québécoises de l’émission n’ont pas renouvelé leur contrat pour revenir en ondes cet automne.
Alors est-ce la fin de »Call-TV »? L’avenir nous le dira, mais la controverse entourant son concept est loin d’être terminée, surtout quand on regarde dans la tangente de plus en plus mercantile vers laquelle se dirige la télévision québécoise. Rien que pour ça, la connerie audiovisuelle n’est pas près de ralentir de sitôt.
Par Mathieu Lemée
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Le concept de Call-TV a pour but de tromper le public, un point c’est tout. TQS le savait très bien dès le départ et ne peut nier être complice puisque c’est elle qui a auditionner et engager les trois animatrices.
J’aimerais savoir si une poursuite aux petites créances contre TQS aurait une chance d’être acceptée et, surtout, d’être gagnée ?
Bonjour
Call TV ne serait pas en ondes si ce n’était de ce minable et ridicule Vtélé et ce sont ces derniers qu’il faut éliminer.
Je ne peux croire qu’il y a encore des gens qui donnent leur argent à ces fraudeurs.
Concernant call tv cette année c’est encore pire les animatrices lan dernier étaient médiocres ,cette année elles sons minables.Elles croient qu’être ridicules les rends drôles et sympatiques.Moi je les trouve énervantes et insupportes je crois qu’elles tentent de remplir de temps pour que les gens restent sur ce poste. voilà un émiision de cons