Il faut désenclaver Montréal
Par Jonathan Habel • 3 juillet 2008 à 9:22Premièrement, un bouquet de mercis tous spéciaux à Dom Fortier, qui ressort les crocs pour Plein la Gueule à chaque fois que je décide égoïstement de prendre une pause. Merci Dom, et belle job. Le plus dur, en recommençant une saison du Jour de Paye, c’est de faire oublier ta chronique.
La farce la plus poche pendant mon absence a sans doute été le dépôt du rapport de la Commission Bouchard-Taylor. C’était tellement pas drôle que plus personne n’en parle déjà plus, probablement parce que tout le monde s’est justement rendu compte que c’était de la bullshit. Entre la narcolepsie de monsieur Bouchard, les difficultés de compréhension de mister Taylor et le power trip de certains Québécois auxquels il était maladroitement donné le droit de s’exprimer publiquement, rien n’est sorti de bon. Sauf une chose, une recommandation. Selon ces vieux moralisateurs, il faut créer un second pôle d’intégration des immigrants, à Québec. Sans enlever le monopole à la métropole, il s’agit de diffuser la «solution immigrante » en région, à commencer par l’Est du Québec. Brillante idée ! Sérieusement.
En fait, que les vieux meussieurs aient nommé Québec comme second pôle potentiel, ce n’est pas important ; à la limite, ils auraient pu dire Sept-Îles, Saguenay ou Saint-Raphaël-de-Bellechasse. Au moins, ils ont soulevé un point important, volontairement ou non : Montréal doit cesser d’accentuer sa différence qu’elle affiche face aux régions, en termes d’immigration.
Oubliez la rivalité Nordiques / Canadiens, le vrai problème entre Montréal et les quinze autres régions administratives du Québec, c’est cette polarisation. 3.7 millions de personnes dans un espace trop petit, contre 4 millions dans un espace trop grand. Et évidemment, l’incompréhension et le désintéressement mutuel qui en résulte. Les immigrants ne sont pas non plus insensibles à cette réalité : pourquoi iraient-ils ailleurs en province alors qu’ils risquent de se heurter à cette incompréhension ? D’un autre côté, et oublions l’exemple stupide d’Hérouxville, c’est tout à fait normal que les habitants à l’extérieur de la grande région métropolitaine aient une certaine appréhension face aux nouveaux arrivants, ceux-ci limitant leurs contacts avec ceux à l’intérieur de « l’enceinte ». Casser cette façon de penser de part et d’autre, faire éclater la bulle montréalaise, c’est rééquilibrer la culture québécoise, son économie, ses ressources humaines. D’après moi, le futur du Québec passe entre autres par une refonte de sa démographie, et si la Commission Bouchard-Taylor a le mérite d’avoir apporté ce point, alors elle aura été plus utile que toutes les autres mascarades « commissionnaires » que le pays a connu dans les dernières années.
Par Jonathan Habel
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Je peux dire que je suis absoluement en accord avec l’idée générale mais c’est beaucoup en demander à un gouvernement qui n’est en place que pour 4-8 ans. Le peuple québécois n’est pas prêt pour des changements on dirait. Ils ne peuvent pas accepter d’avoir mal un peu pour faire le bien plus tard. Alors, encore une bonne idée, qui a coûté foutrement cher, pour voir quoi à la fin? Je sais, je suis pessimiste…
C’est toujours un plaisir de prendre le flambeau cher collègue! Et d’ailleurs, la première chronique où je t’ai remplacé, j’ai parlé de Bouchard-Taylor. Tu as tout à fait raison sur la ‘redistribution’ des immigrants. Spécialement comme la natalité est en baisse et que les gouvernements veulent hausser le seuil d’immigration, il serait bien de les voir s’installer ailleurs qu’à Montréal. Question de logique, d’espace et de diversité!
Bon retour vieille branche!
Je ne crois pas que le gouvernement soit le seul responsable de la concentration des immigrants à Montréal. Ils choisissent probablement eux-même d’habiter cette ville pour se retrouver dans une communauté où il pourront trouver des semblables. Il y a des quartiers bourré d’Haïtiens, d’autres où les Italiens sont en majorités. Il y a même un quartier ukrainien près de chez moi. J’imagine que c’est plus facile de de mettre un pied à terre quand on se trouve en terrain moins inconnu. Ceci dit, je pense que l’intégration passe par le dépaysement, donc il n’y a pas d’excuse pour personne sur ce plan. Du côté du gouvernement, la mission revient à sensibiliser les immigrants aux autres villes / régions et à les motiver pour qu’ils s’y établissent. Je salue le courage de ceux qui l’ont fait sans avoir eu à se faire convaincre. Si un jour je déménage en Afrique, je ne vais pas me chercher un quartier québécois en arrivant!
@Amélie : la Commission a eu bien peu de côtés positifs à comparer à ses coûts de réalisation, je suis bien d’accord. Quant au « projet », je crois que plusieurs autres démarches gouvernementales dépassent la durée d’un mandat gouvernemental normal, si c’est vraiment nécessaire (aide aux gens en recherche d’emploi, fonds des générations, etc.). Celui-ci devrait l’être aussi.
@Dom et @PL : merci à vous deux ! Oui Dom je me souviens de ton premier article après mon début d’absence. Heureux de voir que j’ai l’appui de deux Montréalais 🙂 effectivement, comme dit PL, il faudrait créer une campagne promouvant les régions comme lieu d’établissement des immigrants (et pas seulement eux, mais les « immigrants de seconde génération », soit des Québécois de naissance, nés d’immigrants). Après tout, le gouvernement fait bien des offensives pour dire combien il a investi dans le réseau routier dans les dernières années, peut-être pourrait-on envisager le même traitement pour ce dossier ?
Avec des mandats aussi courts de 4 ans, c’est sûr que les élus ont bien plus l’air de placements amortissables des élites économiques et de syndicats d’intérêts que des représentants du bien public. La politique semble plus un métier comme un autre, plutôt qu’une vocation d’engagement, sauf pour une minorité.