Words Words Words, Bo Burnham (2010)
Par William Beretta • 1 novembre 2010 à 20:40YouTube est un endroit fascinant où il se fait beaucoup, beaucoup de choses médiocres. Toutefois, à travers cette marée d’insignifiance, il y a parfois quelque chose qui émerge au-dessus de toutes les autres. La plupart du temps, le succès est éphémère et vite oublié. Or, à de rares moments, on sent qu’on met la main sur quelque chose d’exceptionnel qui va mûrir et durer. C’est le sentiment que j’ai eu lorsque j’ai été en contact avec Bo Burnham.
Avant d’entamer la critique de Words Words Words, il faut connaître le parcours hors du commun de ce jeune prodige. En 2006, à l’âge de seize ans, Bo met en ligne des vidéos de lui-même jouant deux chansons drôles et incongrues (« My whole family… » et « My ‘little’ secret »). En 2010, à l’âge de vingt ans, Bo a deux tournées de comédie sous la cravate, il a pondu trois CDs, la chaîne Comedy Central lui a permis de tourner deux émissions spéciales (il est, évidemment, le plus jeune humoriste à avoir eu droit à ce privilège), il a été classé deuxième dans la liste des meilleurs stand-up américains par cette même chaîne de télévision, il a des projets pour le petit et le grand écran, etc.
Comment expliquer cette fulgurante ascension ? Par le talent brut, tout simplement. Et ce formidable talent, il le montre pleinement dans son dernier disque Words Words Words. Composé comme un mélange de chansons et de stand-up, ce disque est avant tout une machine à interloquer. Écoute après écoute, on n’arrive jamais vraiment à réaliser que ce jeune blanc-bec est capable d’être aussi érudit, intelligent, futé et diablement drôle. Comment fait-il pour exploiter des thèmes comme la théologie, la mythologie, la physique, le théâtre, la poésie japonaise et les mathématiques de manière à les rendre si hilarants et choquants ? Cela relève du mystère. Ou du génie.
Bien qu’il pratique plusieurs styles et de nombreux instruments, les éléments récurrents du style musical de Bo Burnham demeurent l’ironie, la parodie et les jeux de mots ponctués de remarques incisives et offensantes. Il carbure d’ailleurs au « politcally incorrect » et à l’humour plus noir que noir. C’est sa marque de commerce. Or, réduire sa musique et son stand-up à une simple entreprise scandaleuse serait de mauvaise foi. Son talent de musicien est indéniable, tout comme son talent d’auteur. Il réussit à amalgamer des musiques accrocheuses à un texte d’une densité digne d’une thèse de doctorat en physique, tout ça avec un humour varié et efficace.
Mais ce qui impressionne le plus chez cet étrange jeune homme, c’est sa virtuosité. Non seulement est-il capable d’écrire des textes incroyables et de composer de la musique captivante en harmonie avec ledit texte, mais il est capable de performer le tout avec une virtuosité qui n’a rien à envier au Eminem des beaux jours. Des chansons comme « Words Words Words » et « Oh Bo » mettent à profit cette adresse vocale tandis que la poignante « Art is Dead », plus personnelle, vient jeter un nouvel éclairage sur le personnage Bo Burnham.
Pour définir ce personnage, on pourrait essayer de le comparer à plusieurs vedettes : un peu d’Eminem par ci, un peu des Loco Locass par là, du Hubert Reeves, du Shakespeare, du Isaac Newton, du Anthony Jeselnik, du Basho Matsuo…
Pour ma part, je le compare à P.K. Subban. Ouais. P.K. Subban.
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Par William Beretta
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