The Detective : le début du renouvellement du polar au grand écran (1968)
Par Mathieu Lemée • 16 avril 2009 à 14:44À New York, l’inspecteur Joe Leland est chargé d’enquêter sur le meurtre crapuleux du fils d’un important banquier, Leikman. Les indices amènent vite Leland à suspecter Felix Teisha, un jeune homosexuel désaxé qui était l’amant de la victime. Joe réussit à obtenir les aveux de Teisha, et celui-ci est condamné à la chaise électrique. Promu capitaine, Leland reçoit la visite d’une jeune veuve, Norma MacIver, qui lui demande d’enquêter sur les circonstances ayant mené au suicide de son mari, un homme d’affaires important. Leland découvre derrière ce suicide, des preuves de corruption concernant les plus importants politiciens municipaux de la ville au sein d’une commission d’urbanisme. Plusieurs personnes, incluant même certains collègues de travail, lui enjoignent d’abandonner l’affaire, mais Leland veut aller jusqu’au bout. Après avoir échappé de justesse à une tentative d’assassinat, Leland persévère davantage dans son enquête. Ce qu’il découvre ne manque toutefois pas de le surprendre, surtout lorsqu’il apprend que ce suicide est relié au meurtre du fils de Leikman.
Tout comme « BULLITT » et « MADIGAN », pour ne nommer que ceux-là, sortis également en 1968, « THE DETECTIVE » a énormément contribué au renouveau du film policier américain, renouveau qui s’est confirmé dans les années 70. Profitant d’un relâchement de la censure, les auteurs en ont profité pour explorer différents thèmes plus audacieux, qui avaient été mis en sommeil dans les années 50 à cause du maccarthysme. Tout en réussissant avec adresse à faire rejoindre en conclusion deux enquêtes différentes qui paraissaient à prime abord fort dissemblables, l’intrigue, intelligemment écrite, s’attarde sur des éléments nouveaux à l’époque comme l’homosexualité et la nymphomanie, en même temps
que de dénoncer habilement la corruption des corps policiers et municipaux, sans que la narration ne soit trop chargée. Les personnages s’expriment d’ailleurs dans un ton très cru, souvent avec une violence verbale inhabituelle (ex. le mot « pénis » est prononcé comme si c’était banal en plus de quelques joutes juteuses d’insultes entre certains personnages!), mais toujours avec un certain naturel, ce qui confère une grande honnêteté et un certain réalisme au film.
La mise en images n’est pas des plus personnelles, mais son âpreté contribue à renforcer les audaces relatives du récit. Une excellente trame sonore de Jerry Goldsmith et une conclusion habile au propos désenchanté sont d’autres qualités à mettre au crédit de ce film. Évidemment, le tableau d’ensemble peut apparaître daté aujourd’hui pour des spectateurs habitués au sordide, mais sa contribution importante à un genre très apprécié est pourtant indéniable, d’autant plus que ce long-métrage est toujours plaisant à regarder. Dans ce petit classique un peu ignoré du film noir, seul l’omniprésence à l’écran de Frank Sinatra vient nuire à l’équilibre presque parfait du résultat, même s’il est excellent dans la peau d’un policier plus enclin à des préoccupations sociales qu’à jouer au héros.
Par Mathieu Lemée
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