Taper sur plus petit que soi
Par Renart Léveillé • 28 juin 2011 à 4:20Si vous ne le savez pas déjà, je trouve le « BS bashing » assez ordinaire… pour ne pas utiliser une expression plus mordante. Ça me semble toujours être une manière facile de taper sur plus petit que soi, puisque, mis à part les rares cas de fraudeurs, il faut vraiment être à bout de solution pour faire une demande d’assistance sociale. Quant à y rester longtemps, il faut être en proie à un lot de contraintes, ce qui est toujours plus simple quand c’est physique.
Je vous parle de ça parce que j’ai été choqué la semaine dernière par une partie d’un billet de Mike Tremblay sur Le Stupidarium, ce site qui se targue de débusquer la stupidité de notre monde. Visiblement, nous n’avons pas tout à fait la même notion de stupidité… Alors, pour aller à l’essentiel, pour expliquer son dégoût du Québec en ce jour dernier de la fête de la St-Jean (dégoût que je partage, mais pour d’autres raisons), Mike pointe une série de raisons, dont celle-là :
J’aurais tendance à déduire qu’il n’y a pas pour Mike de distinction entre « ceux qui refusent de travailler » et ceux « qui reçoivent de l’aide sociale sans avoir de contrainte physique à l’emploi ». Pourtant, il est bien clair pour moi que de synthétiser la problématique des assistés sociaux sans « contrainte physique à l’emploi » par la généralisation du refus de travailler est un raccourci intellectuel, et ce n’est pas ma tasse de thé… Il n’y a pas de portrait type de l’assisté social capable (supposément) de travailler. Mais c’est vraiment plus pratique d’en dresser un portrait démoniaque pour mieux faire sortir les pieux, pelles, fourches et torches de la populace en mal de boucs émissaires!
En commentaire, alors que j’essayais de mettre de l’eau dans son vin, Mike m’a rétorqué que « Chaque année, [sa] famille donne près de 90,000$ à l’impôt! » C’est drôle, mais à la place de pointer le problème des « BS », je pointerais plutôt le problème de l’impôt progressif. Là je serais plus d’accord avec lui. Parce que j’ai l’impression que cela freine beaucoup de gens à travailler plus ou à avoir un meilleur salaire avec plus de responsabilités puisqu’au bout du compte, ça donne la même chose, ou si peu de plus. J’ai bien beau avoir tendance à trouver l’individualisme crasse, mais il y a des limites. On ne peut pas nier que tout individu fait des choix dans son propre sens. Pour ce qui est de la notion du « vivre ensemble », le mieux qu’on peut faire est de tendre vers l’équilibre.
Encore, si Mike veut absolument trouver une cible à sa perte de revenu (s’il faut vraiment l’appeler ainsi…), pourquoi ne s’attaque-t-il pas aux gros? Justement, j’ai fait un billet dernièrement sur les « BS de luxe » que sont certaines entreprises : La pompe à cash. Il faudrait que je vérifie pour être le parfait blogueur, mais je suis pas mal certain que ces derniers grugent beaucoup plus dans le 90 000$ de cette famille Tremblay!
Pour terminer, dans le fond, ce que je n’aime pas dans cette habitude de taper sur les « BS », c’est qu’elle est plus liée à l’émotivité qu’à la raison. Regarder le portrait global devrait empêcher de colporter les habituels clichés. Et je ne dis pas que le système de l’assistance sociale est parfait. Il pourrait être plus efficace pour aider les gens sans contrainte physique à l’emploi et les faire revenir plus rapidement sur le marché du travail. Mais le gros du problème est le côté psychosocial de la chose. On a beau penser que quelqu’un est apte à l’emploi parce qu’il n’a pas de handicap apparent, mais il en est autrement pour ce qui se passe dans sa tête.
La plupart des gens sont capables de se maintenir à flot ou de se relever d’un mauvais pas, mais qui sommes-nous pour condamner ceux qui n’en sont pas capables sans aide? Parce qu’il y a dans le lot quelques paresseux et fraudeurs? La vague existence de ceux-là justifierait-elle de couper l’aide à ceux qui en ont vraiment besoin? Serais-je naïf de penser que ceux qui reçoivent cette aide sont des candidats de moins pour commettre des actes criminels pour survivre, et que nous sommes globalement plus en sécurité pour cette raison?
S’il faut couper dans le gras de notre obèse État, l’assistance sociale serait la dernière chose que je couperais, parce que notre société riche peut bien se concerter pour se payer ce filet social. C’est un peu comme une assurance que pas grand monde pourrait individuellement se payer.
Par Renart Léveillé
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Deux types de boucs-émissaristes : celui des crétins qui répètent ce que le groupe des esclavagistes rabâchent depuis des années; pourquoi esclavagistes? Parce que ce groupe salive à l’idée de pouvoir contraindre la masse des assistés sociaux à travailler pour rien, ce qui aurait pour effet de faire baisser aussitôt le salaire du crétin, toujours enragé contre les BS.
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