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Qui se meurt ?

Par • 13 février 2007 à 0:22

« Il meurt lentement celui qui devient esclave de l’habitude,
répétant chaque jour le même parcours,
celui qui ne change pas le rythme de ses pas,
celui qui ne risque rien et ne change pas la couleur de ses vêtements,
celui qui ne parle pas avec l’inconnu. (…)

Meurt lentement celui qui ne voyage pas, ne lit pas,
n’écoute pas de musique ou ne voit pas la beauté en lui-même. (…)

Évitons de mourir à petit feu,
en se rappelant toujours qu’être en vie exige un effort beaucoup plus grand
que le simple fait de respirer. »

– Pablo Neruda

Ce poème de Neruda, utilisé avec à-propos et en entier dans Asphalte et vodka de Michel Vézina, pourrait à lui seul résumer ce roman bohème et jazzé qui prend la route avec verve, non sans prendre le temps de s’arrêter en chemin, pour jeter par la fenêtre des effluves d’alcool et de Louisiane, dont les relents hanteront longtemps une Gaspésie laissée pour morte. Parce que la distance qui nous sépare de la mort ne se compte ni en kilomètres ni en barils de pétrole; elle se mesure en souffles de vie et en bouffées de chaleur.

Jean et Carl, alias Ti-Jean et Charles, se rencontrent sur une croisière, alors qu’ils se commettent tous deux à la trompette. Le premier vivote pour survivre de son art; le second, au moins deux fois plus vieux, s’affaiblit peu à peu, en s’accrochant à ce souvenir (fabriqué?) d’une robe saumon qui aurait appartenu à une actrice de renom, Jayne Mansfield pour ne pas la nommer. Sous le couvert de la camaraderie, ils partent tous deux des États-Unis en direction de la Gaspésie pour retracer le patelin de Charles, qui se meurt à 80 Km/h.

Michel Vézina, que je connais davantage en sa qualité de journaliste culturel à l’hebdomadaire ICI, signe un premier roman, édité chez Québec Amérique en 2005; on souhaite déjà qu’il publie plus souvent en sa nouvelle qualité d’auteur. Du moins ses lecteurs seraient-ils ravis de renouer avec ce style personnel qui ne renie jamais son amour pour Kerouac et Victor-Lévy Beaulieu. Si le Québécois assimilé parle un français assez pénible, merci, quoique très coloré, l’écriture demeure fluide et il en va de même du récit, qui ne s’égare pas dans des détours d’aventurier incohérent. Les trips y sont signifiants, la musique y est un merveilleux liant, et le narrateur est juste assez présent.

Une lecture d’essence et de sens.

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