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ÉditorialPuisqu'il y a des choses qui doivent être dites, aussi bien les dire avec une verve franche et directe. Des sujets chauds, traités vivement sans trop de fioritures.

Histoire de viaducs

Par • 2 août 2007 à 0:00

Il était une fois un viaduc lavallois appelé Concorde. Il n’était pas si vieux, mais il était fatigué, tellement fatigué. Des défauts de conception à sa naissance ont fait qu’il se sentait prématurément vieux et fatigué. Et un jour, à l’âge de 36 ans, à bout de fatigue, il s’est effondré. Et, dans son suicide fracassant, il tua 5 personnes, ce qui évidemment affecte aussi beaucoup de gens tout autour des victimes. Peu de temps après, un autre viaduc plus solide le remplaça. Fin de l’histoire.

 

Fin de l’histoire ? Oh non ! Parce que plein de gens, tout d’un coup intéressés par l’histoire du viaduc de la Concorde, ont voulu tout savoir sur sa conception, sa vie, les gens qui avaient interagi avec lui, ceux qui lui ont passé dessus, tout. Peut-être pour faire un documentaire qui servirait de « prequel » à tous ces reportages en direct où on voyait le corps brisé du viaduc. Sinon, à part ça je ne vois pas. Ah oui ! Mettre des gens en prison ! Faire payer ces salopards qui ont botché leur travail en 1970… s’ils sont toujours vivants. Ou ces autres salopards chargés de le réparer comme il faut en 1992.

 

Est-ce que je suis le seul Québécois à penser que la vaste enquête de la Commission Johnson sur l’effondrement du viaduc de la Concorde est un gros brassage de marde et une dépense inutile de deniers publics ? Est-ce que le public ne se serait pas laissé entraîner par le côté spectaculaire de la tragédie pour ensuite réclamer une enquête provinciale et ainsi faire durer le plaisir ? La Commission Gomery avait une utilité, malgré son coût exorbitant : aller rechercher une partie des fonds qu’on nous avait volés, punir des criminels coupables de fraude et de détournement de fonds, et passer un message pour qu’un tel scandale ne se reproduise plus. Oh bien sûr, l’enquête de monsieur Johnson va aussi passer un message ; les gens du Ministère des Transports vont y penser à deux fois avant de faire une job tout croche sur nos routes. Mais est-ce qu’on avait besoin d’une commission pour savoir ça ? Pas du tout ! On ne déterre pas ici des pratiques malicieuses, des procédés malhonnêtes. C’est juste qu’il y a 36 ans, deux ou trois gars ont fumé un joint de trop en revenant d’un show de Grateful Dead et ils ont travaillé en colon. Et puis n’oublions pas une chose : du matériel, ça s’use. Du béton, ça s’effrite. Il va y en avoir d’autres, des viaducs de la Concorde. Il y en a déjà eu d’autres. Et cette fois-là (comme parfois dans le passé), on aura beau faire toutes les commissions du monde, on va peut-être enfin se rendre compte que parfois des choses arrivent. Des choses le fun, pis des choses poches.

 

En octobre prochain, la Commission Johnson va tirer des conclusions extrêmement prévisibles sur des faits déjà connus et expliqués fort simplement depuis les heures suivant la tragédie. Cette commission aura coûté des millions, émettra des recommandations qu’un simple ingénieur aurait pu projeter, et n’apportera aucun réconfort aux familles des victimes. Qu’est-ce qui aura changé, un an après la Concorde ? Les gens seront plus méfiants, les employés du Ministère des Transports plus vigilants et consciencieux, les normes de construction seront peut-être élevées d’un cran. Bref, un an après la Concorde, ce sera comme ç’aurait toujours dû être. Et ce n’est pas une commission qui nous l’aura appris.

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4 Réponses »

  1. Cette chronique est étrangement et tristement de circonstance. Un pont routier s’est effondré hier soir au Minneapolis : au moins 9 morts et 62 blessés… Prophétie ou simple coïncidence ?

  2. J’espère ne pas avoir ce genre de pouvoir. Ça montre simplement qu’on a laissé à l’abandon nos infrastructures de transport, des deux côtés de la frontière.

  3. Dans une entreprise, quand survient un incident grave, on fait une réunion et on décide d’enquêter sur les causes de la tragédie. Un comité est mis en place, des feuilles blanches sont noircies pendant des semaines, des heures de travail sont perdues sur des réunions et on fini par s’apercevoir qu’il fallait juste pas laisser trainer l’échelle et personne serait mort. Le gouvernement est une entreprise, son seul problème est que cette entreprise est publique et financée par toi et moi. Lorsqu’un incident grave arrive, le boss du gouvernement (loin de celui qui le finance) prend la décision de mettre sur pied un beau et joli commité pour que le public voit qu’ils prennent les choses en main. On devrait pas se plaindre allons! (sarcasme) Ah j’oubliais, ces petits monsieur du gouvernement, il étaient boss de compagnies avant, voilà d’ou viennent leurs bonnes idées! 😛

  4. Amélie, malheureusement je crois que tu as visé juste. En fait, à chaque fois que le public chiale, le gouvernement injecte de l’argent à quelque part, ou bien promet de le faire dans un avenir rapproché. Comme disons en santé, un domaine qui ne manque pas d’argent mais qui est plutôt géré par des incompétents (faudra que j’écrive là-dessus bientôt…)

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