Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968)
Par Mathieu Lemée • 7 février 2010 à 13:36Étant donné ses nombreux succès en tant dialoguiste de films, et afin de convaincre les producteurs éventuels de lui financer l’adaptation à l’écran d’une oeuvre de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline, auteur très contreversé comptant parmi ses préférés, le célèbre Michel Audiard s’est lancé pour la première fois dans la réalisation d’un long-métrage.
Fred l’Élégant est un petit truand qui a réussit à s’emparer d’un milliard en lingots d’or, fruit d’un hold-up déjà réalisé par un autre gangster. La jolie Rita, qui est la maîtresse de Fred, s’est entendu toutefois avec Charles le Téméraire et sa bande pour lui subtiliser le magot. Lorsque le vol est réussi, Charles oublie volontairement Rita lors du partage des lingots. Pour se venger, celle-ci fait appel à sa vieille tante, Léontine, une ancienne reine du Milieu maintenant septuagénaire, pour corriger cette injustice.
Dès le début de son intervention, Léontine ne tarde pas à remettre à l’ordre Charles et ses truands avec une habileté déconcertante. Charles le Téméraire demande alors à son neveu Tiburce d’éliminer rapidement la vieille tante de plus en plus gênante. Tiburce tombe cependant amoureux de Rita, et ne peut se résoudre à tuer Léontine, qui est prête à l’aider à épouser sa nièce. Pendant ce temps, Fred cherche reprendre les lingots volés à Charles, et à se venger de la trahison de Rita. Afin de récupérer l’or et assurer le bonheur de Tiburce et Rita, Léontine s’arrange pour éliminer définitivement Charles et Fred.
Pour ce premier essai en tant que réalisateur, Michel Audiard a choisi de parodier à nouveau les romans de la « Série Noire » et les films de gangsters, genre où il se montre fort à l’aise tout en y ayant obtenu beaucoup de succès publics en tant que dialoguiste. Sans perdre sa verve humoristique dans l’écriture de répliques mordantes, Audiard nous offre une réalisation éclatée (inspirée des films de Richard Lester comme « Help! » mettant en vedette les Beatles), qui annonce les futures comédies absurdes de Bertrand Blier.
Farouchement surréaliste, cette comédie baigne dans une extravagance loufoque remplie d’idées narratives savoureuses (titre long du film, apartés écrites à l’écran, ruptures de ton), de réparties cinglantes et d’images délirantes, pour ne pas dire psychédéliques. Tous ces ingrédients ont été brassés avec assez d’astuce par Audiard pour sortir son récit des sentiers battus, tout en lui conservant une légèreté comique amusante pour les spectateurs. Les rebondissements sont d’ailleurs tout simplement ahurissants et inattendus.
Bien que le film soit de courte durée (78 minutes), la mise en scène demeure fluide malgré quelques maladresses de débutant dans certains plans et mouvements de la caméra. Ces erreurs sont néanmoins aisément pardonnables puisque le résultat final est plutôt jouissif, en plus de plonger le public dans une hilarité constante.
Dans ce mélange assez réussi de folie visuelle et verbale, les costumes et les décors contribuent au style décalé du film, assez représentatif de la contre-culture et de la libéralisation des moeurs vers la fin des années 60. Les personnages, quant à eux, ont l’air de sortir tout droit d’un théâtre de marionnettes, mais les acteurs ont su se mettre au diapason en les animant avec joie, et en profitant à plein des réparties délicieuses de l’auteur.
Par Mathieu Lemée
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