Entrevue avec Guillaume Wagner
Par William Beretta • 1 juillet 2008 à 14:24Depuis sa sortie de l’École nationale de l’Humour en 2006, Guillaume Wagner a progressé de manière fulgurante. Entretien avec un pilier de la relève humoristique québécoise.
WILLIAM BERETTA — Pour situer les gens, peux-tu décrire le style d’humour que tu pratiques ?
GUILLAUME WAGNER — Je pratique la forme d’humour la plus simple et la plus efficace : le stand-up. Un humain avec un micro qui parle à d’autres humains assis. Pas de fla-fla, pas de costumes, pas de mise en scène… Juste un gars et des idées.
W.B. — Quelles sont-elles, ces idées ? Aimes-tu raconter des anecdotes ?
G.W. — En fait, je ne raconte pas vraiment d’anecdotes, mais j’aime bien dépeindre la vie du quotidien. Dans mon humour, il y a deux types de sujets. Les gros sujets comme la religion, la misogynie, la souveraineté, etc. Ensuite, il y a les petits sujets. Ceux qui rassemblent tout le monde, les petits moments du quotidien dont tout le monde rit. Disons que ce côté de mon humour m’a sorti de l’embarras à plusieurs reprises devant des publics un peu moins ouverts intellectuellement.
W.B. — Tu cites, parmi tes influences, un humoriste récemment décédé : George Carlin. Est-ce que tu crois que l’humour au Québec serait prêt pour un humoriste qui irait aussi loin que lui ?
G.W. — George Carlin est probablement l’humoriste le plus prolifique de tous les temps. Donc, je crois que le Québec n’aurait pas le choix d’accepter un humoriste qui aurait la trempe de Carlin. En général, le talent finit toujours par l’emporter. De toute façon, les gens ne sont jamais prêts à entendre la vérité. Les médias aiment se plaindre du manque d’humour intelligent, mais ils seraient les premiers à crier au scandale si on disait la moitié de la vérité sur eux. Je pense que, si tu abordes des sujets plus lourds, tu vas choquer inévitablement. Si tu parles de religion, de racisme ou de guerre sans choquer personne, je t’annonce que ton angle est vide et dépourvu d’intérêt. Dans un monde superficiel, la vérité ne fait jamais l’unanimité.
W.B. — Est-ce que la censure peut être justifiée pour certains sujets trop choquants ?
G.W. — La censure n’est jamais justifiée à mon avis. Tout sujet a le droit d’être traité avec intelligence, finesse et même avec une imbécillité maladresse. C’est au public de juger ce qu’il aime. Aussitôt que tu amènes des propos intéressants, tu peux parler des pires sujets. Je serais plutôt du bord de la censure si on se mettait à censurer tout ce qui est vide. Y’a quelques artistes égocentriques qui n’ont rien à dire et qui mériteraient de se faire dire par le CRTC : « S’cuse moi, mais on trouve que tu abaisses de manière dangereuse le quotient intellectuel des citoyens. On sait bien que tu aimes te voir à la télé, mais ça agresse les gens possédant un sens critique, donc voici ton billet. Tu pars dans trois minutes pour le Danemark… à jamais ! ».
W.B. — Ha ! Ha ! Je ne te demanderai pas de noms. Revenons un peu sur la religion, si tu veux bien. Dans un combat mettant aux prises un catholique, un musulman, un juif et un athée, qui gagnerait, selon toi ?
G.W. — Tout le monde perd assurément, parce que le musulman fanatique va se faire exploser pendant le caucus. Le musulman fanatique clenche pas mal tout le monde côté fanatisme. Les autres religieux n’ont pas cette passion. Tu ne verras pas un catholique se faire exploser au nom de Dieu, mais, en même temps, tout est dans la récompense qu’on promet. L’islam promet des vierges. L’Église promet que tu vas pouvoir retrouver les membres de ta famille que tu as perdus. Qu’est-ce que vous préférez ? Une orgie ou une réunion de famille ?
W.B. — Bon point. Changement de sujet : tu es allé en Belgique pour participer à un concours d’humour. Qu’est-ce qui t’a le plus frappé dans l’humour des Européens ?
G.W. — Les Européens sont très théâtraux. Disons qu’ils ne « connectent » pas tellement avec le public. Il y a un quatrième mur. En humour, au Québec, on est 15 ans en arrière par rapport aux États-Unis. Les Européens, eux, sont 15 ans en arrière par rapport à nous. Donc, si tu fais le calcul, y’a du chemin à faire. Par contre, il y a des exceptions. J’ai rencontré des gens de talent, comme Alexis Macquart, un humoriste très grinçant que j’ai croisé dans un petit café-théâtre de Paris.
Fait à noter, pour combler l’écart qu’ils ont avec les États-Unis, certains Européens vont directement à la source en copiant et en traduisant des humoristes américains. C’est une pratique relativement courante là-bas. Ils ne comprennent pas vraiment le concept de propriété intellectuelle. C’est un peu enrageant pour un artiste comme moi qui mets sa sueur dans ses textes de voir quelques petits parvenus se la jouer (comme ils disent) avec des textes de Dane Cook, Bill Cosby, etc. Je pense que cette pratique est le summum du syndrome de « besoin d’attention » : aucun respect pour la forme d’art, j’ai besoin qu’on flatte mon ego démesuré même si je n’ai pas de talent. Où est le CRTC quand on en a vraiment besoin !?
W.B. — Question rapide : Family Guy ou Simpsons ?
G.W. — The Simpsons, all the way ! Family Guy n’est qu’une copie cheap des Simpsons. D’ailleurs, j’adore l’épisode de South Park qui se moque de Family Guy en nous montrant que les writers sont en vérité des lamantins qui amènent des boules avec des idées dessus pour former une situation qui ne fait aucun sens. Mais on est censé rire, parce que ça ne fait justement aucun sens. Disons qu’il y a parfois des bons flashs dans Family Guy, mais ça s’arrête à ça : des bons flashs.
W.B. — Tu vas faire partie de plusieurs spectacles cette année dans le cadre du Festival Juste Pour Rire. À quoi peut-on s’attendre ?
G.W. — Le « Show Urbain », c’est un spectacle très dynamique à saveur hip-hop. Chaque invité — deux humoristes, un beatbox et un invité musical différent chaque soir — a une relation bien particulière avec ce style de musique. Pour ma part, j’ai grandi avec les The Roots, Talib Kweli, Mos Def, etc. J’ai toujours été un amateur de hip-hop. L’énergie que cette culture dégage est inspirante autant dans ma vie de tous les jours que dans mon humour. Dans le « Show Urbain », j’assure l’animation et je ne manquerai pas d’ajouter ma touche critique en faisant mon bilan personnel de la situation actuelle du hip-hop parce que, aussi vieux chialeux que ça puisse paraître, ça n’a plus grand-chose à voir avec ce que j’écoutais plus jeune… du point de vue commercial, du moins. Nous allons célébrer une culture tout en ne nous empêchant pas de faire son procès. La célébration dans la réflexion.
J’ai également été sélectionné pour faire partie du « Best of des Mercredis Juste pour Rire ». J’y parlerai de la misogynie sous un angle qui, selon moi, n’a jamais été abordé. C’est probablement un de mes numéros préférés, parce qu’il choque les gens, mais personne ne peut s’empêcher de rire, car tout ce que je dis est vrai.
Mais mon moment culminant du Festival sera certainement le « Gala de Guy Nantel », dont le thème sera « Les Accommodements raisonnables ». J’irai y traiter de religion et de racisme. Mon but est de faire comprendre aux gens qu’il n’existe pas seulement le gros racisme stupide à la Doc Mailloux. Il existe aussi beaucoup de petit racisme de tous les jours, tout aussi dangereux. En fait, ce type de racisme est encore plus répandu. Je m’applique dans ce numéro à pointer des petites situations de la vie dans lesquelles certaines personnes vont peut-être se reconnaître et réaliser que combattre les préjugés, c’est un travail constant sur soi.
W.B. — En terminant, roche, papier ou ciseaux ?
G.W. — Roche, c’est sûr ! Et je t’annonce que même si tu prends le papier, ça ne détruit pas ma roche. Ma roche va être emballée, mais intacte. Et si tu ne me crois pas, je te la lance dans la face !
Meilleur des Mercredis Juste pour Rire
11 juillet 2008
Studio juste pour rire, 21h00
Gala de Guy Nantel
13 juillet 2008
Théâtre St-Denis, 19h30
Show Urbain
Du 14 au 18 juillet 2008
Studio Juste Pour Rire, 22h30
Par William Beretta
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Bonne entrevue, William ! Tu me donnes vraiment le goût de découvrir l’humour de Guillaume Wagner.
Très bonne entrevue. Excellent! J’ai déjà vu Wagner à la relève JPR sur Vox ainsi que dans le concours «En route vers mon premier gala». Il a une très bonne drive. C’est un des bons gars de la relève à mon avis. Une bonne continuation à ce bon début de carrière!