Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause (1970)
Par Mathieu Lemée • 30 octobre 2010 à 20:52Avec ce troisième film en tant que réalisateur, Audiard a connu son plus grand succès commercial. Il fait également la preuve une fois de plus qu’il peut écrire d’excellents dialogues pour des femmes dans des rôles de premier plan, lui qui a si souvent admis au cours de sa carrière être plus à l’aise à faire parler les hommes dans les films qu’il a écrit.
L’héroïne de ce film est une femme de ménage prénommé Germaine, qui a l’oreille fureteuse. Elle travaille pour trois personnes: Francine Marquette, animatrice de télévision, Liéthard, caissier dans une banque, et Phalempin, directeur d’une maison ecclésiastique de loisirs pour enfants pauvres.
Par sa curiosité, elle apprend que Liéthard détourne de l’argent de la banque où il travaille et qu’il a assassiné un collègue, que Phalempin chante clandestinement en travesti dans une boîte louche, l’Alcazar, et que Francine a autrefois connu une autre vie en participant à des ballets roses, un douteux passé qu’elle ne veut pas que son riche fiancé, La Motte Brébière, qui vise une carrière politique, apprenne malencontreusement.
À cause de ses indiscrétions, alors qu’elle dissémine ce qu’elle sait au petit bonheur lors de ses conversations avec ses patrons, Germaine provoque un chassé-croisé de chantages entre ses trois employeurs qui ne pourra qu’aboutir fatalement au meurtre.
En dépit d’une certaine facilité vulgaire et salace dans le dialogue et la mise en images, cette histoire de chantage où des maîtres-chanteurs se font chanter mutuellement est abordée assez alertement sous l’angle de la satire fantaisiste. Audiard ne se gêne pas pour lancer dans toutes les directions des traits provocateurs envers plusieurs catégories de français: minables, bourgeois, travestis, malfrats etc. afin de critiquer leurs malhonnêtetés à tout un chacun.
L’intrigue n’est donc encore une fois qu’un prétexte pour que la verve verbale d’Audiard puisse s’exprimer. Elle s’avère d’ailleurs toujours drôle, bien qu’elle ne soit pas sans accrocs et qu’elle vise souvent en bas de la ceinture. Il peut paraître étonnant que devant tant de gauloiseries au ton débauché et paroxystique, la censure n’ait pas exigé des coupures, mais Audiard a dû bénéficier d’un traitement de faveur à cause de sa notoriété de dialoguiste populaire.
Ce tohu-bohu audiardesque, comme l’ont mentionné les mauvaises critiques de l’époque, est à la fois désarçonnant et un brin audacieux, bien que la virtuosité de la mise en scène d’Audiard se soit amenuisé un peu depuis son premier film. Il s’agit quand même d’une autre curiosité à voir sur l’écran de votre choix.
Notons que la mention: ELLE BAISE PAS… fût enlevé de l’hénaurme titre afin de respecter les règlements de la décence concernant les affiches publicitaires placardées dans des endroits publics! Annie Girardot compose astucieusement son personnage de femme de ménage sans-gêne, qui n’a pas peur d’ailleurs d’exhiber dans une courte scène son corps dénudé sur la pellicule. Les autres principaux acteurs, en l’occurrence Bernard Blier, Mireille Darc et Sim sont égaux à eux-même, c’est-à-dire très bons.
Par Mathieu Lemée
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Bravo, j’adore comme les précédents.