Entrevue avec Cathleen Rouleau
Par William Beretta • 5 juillet 2008 à 16:40Cathleen Rouleau est une humoriste paradoxale : sous des traits délicats se cachent des gags déstabilisants. Rencontre avec l’ange cornu de l’humour.
WILLIAM BERETTA — À quoi doit-on penser quand on entend le nom « Cathleen Rouleau » ?
CATHLEEN ROULEAU — En tout cas, pas à acheter du pain et du lait…
W.B — Tu pratiques l’humour noir, grinçant, mystérieux… As-tu déjà rêvé de devenir tueuse en série ?
C.R. — Ha ! Ha ! Ha ! Non, en fait, je suis probablement la fille la plus sensible face à la mort, la misère humaine, la cruauté envers les enfants, celle envers les animaux, etc. Ce sont autant de situations que me font mal en dedans, à un point inimaginable… En rire est pour moi une façon de passer par-dessus ma propre peur, ma propre angoisse, ma propre obsession et aussi ma propre frustration face à tout ça. C’est assez égoïste comme processus, finalement ! Ha !
W.B. — Dans ton style d’humour, est-ce que tu crois qu’être une femme constitue un avantage, un désavantage ou aucun des deux ?
C.R. — Sérieusement, être une femme, et surtout en humour, constitue rarement un avantage. C’est un milieu très masculin, et ce, même si on laisse la porte grande ouverte aux filles, en nous répétant qu’il n’y en a pas assez en humour. Je suis d’ailleurs la première à trouver que les gars sont beaucoup plus drôles en général. Ceci dit, ce n’est pas nécessairement difficile. Comme dans n’importe quoi, il suffit de travailler fort, d’être un minimum efficace et de persévérer. Est-ce que j’ai les qualités requises ? On en reparlera dans 10 ans…
W.B. — As-tu déjà pensé à changer de sexe ?
C.R. — Je pense régulièrement à changer de sexe, mais ça n’a rien à voir avec l’humour. Ha !
W.B. — Et dans ta situation particulière, est-ce que la contrainte s’applique de la même façon ?
C.R. — Je pense que, dans mon style d’humour, l’opposition entre la douceur et la fragilité que dégage mon côté féminin — peurk ! je peux pas croire que je viens de dire ça ! — est très payante quand vient le temps de faire des blagues plus corrosives, parce que les gens ne s’attendent pas à entendre des propos violents venant d’une fille qui a l’air d’une ouate. La surprise fait rire, à ce qu’on dit ! Sauf quand il s’agit de voir sa grand-mère toute nue, mettons, mais ça, c’est un autre sujet…
W.B. — En plus de ta formation en humour, tu as une formation en théâtre. Est-ce que ça t’aide à te sentir à l’aise sur une scène ? Est-ce que ça t’aide à créer et à interpréter des personnages ?
C.R. — Ça m’a définitivement aidé à me sentir plus à l’aise sur scène. Durant toute ma première année à l’École nationale de l’humour, je n’ai fait que du personnage. C’est seulement au début de la deuxième année que j’ai commencé à essayer le stand-up, et ça n’a pas réussi tout de suite… Camper un rôle me permettait de laisser sortir la petite folie nécessaire pour faire rire, parce qu’à la base je ne comprenais pas ce que moi, j’avais de drôle…
W.B. — La question inutilement érudite du jour : pour tes personnages, tu utilises la théorie de Stanislavski ou de Meyerhold ?
C.R. — J’adore Stanislavski. À la base, c’est la bible de l’acteur. Mais j’ai aussi un immense respect pour Grotowski, qui prônait quelque chose de plus physique. J’aime bien mélanger les choses, essayer les genres et faire exploser les formes. C’est pas toujours évident (surtout en stand-up !), mais quand c’est possible, c’est tellement intéressant !
W.B. — Tu participes au « Show XXX Extrême ». À quoi doit-on s’attendre de ce spectacle ?
C.R. — Moi, pour décrire ce show, j’appliquerais la théorie des A.A.A. : Adulte, Audacieux et Agressif ! En plus, avec mes collègues P-A Méthot, Max Leblanc et Guy Bernier, ça pourrait difficilement faire autre chose que rocker ! Cette année, on a décidé d’aller ailleurs et de repousser certaines limites. Dans le titre, ils n’ont pas rajouté le mot « Extrême » pour rien ! Ça va choquer, ça va surprendre et surtout : ça va faire rire !
W.B. — En terminant, roche, papier ou ciseaux ?
C.R. — Ça dépend. Si c’est pour décapiter un chat, je dirais « papier ». Comme on dit : plus c’est long, mieux c’est bon !
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