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ÉditorialPuisqu'il y a des choses qui doivent être dites, aussi bien les dire avec une verve franche et directe. Des sujets chauds, traités vivement sans trop de fioritures.

Un problème de Jeux

Par • 27 mars 2008 à 10:30

Peut-être que les sujets de la Chine, du Tibet et des Olympiques d’été commencent à sentir le vieux, comme ça, à la fin de la semaine, mais des fois, prendre un peu de recul et ne pas avoir une réaction de tête brûlée, ça peut être intéressant. Alors, la Chine continue à traiter le Tibet et ses habitants comme une vulgaire charogne (à laquelle elle tient pourtant beaucoup), à l’approche des Jeux Olympiques, événement international de grande importance qui se tient justement chez eux ? Ben tiens… elle le fait depuis 1950, pourquoi pas maintenant ? On ne perd pas ses vieilles habitudes juste parce que la visite s’en vient. Mais qu’en est-il de la symbolique altruiste et philanthrope de l’événement ? Quel message cela va-t-il communiquer ?

 

Plusieurs personnes ont réclamé le boycott de ces jeux ; après tout, l’Occident avait boudé les Jeux de Moscou en 1980 après que l’Union Soviétique ait envahi l’Afghanistan (ce grand carré de sable qu’est l’Afghanistan semble être une fixation pour les grandes puissances), et le bloc de l’Est avait levé le nez sur ceux de Los Angeles en 1984. Ils ont tort, mais pour les bonnes raisons. D’autres disent que les Jeux doivent avoir lieu à leur plein potentiel, qu’on doit séparer une compétition sportive mondiale et internationale de son contexte géopolitique, et que les athlètes ont travaillé trop fort pour devoir attendre quatre autres longues années. Ceux-ci ont raison, mais pour les mauvais motifs.

 

Quand Beijing a obtenu les Jeux, en 2001 (peut-être pour consoler la délégation chinoise, qui avait perdu de peu ceux de l’An 2000, attribués à Sydney), on savait déjà que la Chine ne fait pas grand cas des Droits de l’Homme. Le Tibet existait aussi, envahi et occupé depuis tout juste cinquante ans. Le régime politique répressif chinois, son économie en pleine explosion mais tout de même bourrée d’injustices, ses problèmes de pollution, son manque d’infrastructures… on savait tout cela en 2001. Pourtant, la Chine a quand même obtenu les Jeux. Est-ce que maintenant, à quelques mois de la cérémonie d’ouverture, le monde entier a le droit de sortir de son hypocrisie crasse et de refuser les Jeux à Beijing, ou du moins décréter un boycott général ? Ça serait bien commode, mais plutôt con.

 

Ceux qui déplorent la tenue sine qua non des Jeux Olympiques dans la métropole chinoise doivent se rendre compte d’une chose : à partir de maintenant, et pour les prochains mois, la Chine sera constamment observée. Jugée. Critiquée. Les projecteurs sont braqués sur elle, et le poids médiatique sera, à long terme, étouffant pour le régime communiste chinois. Il est presque certain que cette attention prolongée du monde entier changera la Chine. Elle voudra bien paraître. Elle voudra donner une image différente (mais malheureusement, probablement exacte) de celle que les Occidentaux ont d’elle. Et ça me surprendrait que le pays le plus peuplé de la Terre se refuse à exploiter après coup les dividendes et les bénéfices de ces Jeux qu’elle a voulue avec tant d’ardeur. C’est bien beau demander des boycotts à gauche et à droite, mais on peut regarder en avant de nous aussi.

 

Ceux qui veulent les Jeux à tout prix ont peut-être oublié qu’une médaille d’or au 100 mètres haies, ça ne vaut pas des milliers de vies enlevées, et une occupation de près de soixante ans. Les Jeux ont déjà servi à passer des messages, positifs (retour des Jeux à Londres après douze ans d’interruption en 1948, boycott légitime de 1980), ou négatifs (les otages israéliens assassinés à Munich en 1972, apologie du régime nazi à Berlin en 1936, attentat à la bombe à Atlanta en 1996). On a peut-être raté, dans les dernières années, une belle occasion de passer un message. Et une attitude individualiste n’est peut-être pas la meilleure conduite à avoir.

 

Beijing aura les Jeux. Nous les suivrons tous (plus ou moins) à la télé. La question qui demeure, cependant, n’est plus de décider de les boycotter ou non. Ce sera plutôt de voir ce que la Chine en fait, de ces Jeux et de cette publicité, et ce qu’en fera le reste du monde également.

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Une Réponse »

  1. Tous les pays ont des choses à cacher. Personnellement, je trouve que les autorités chinoises sont probablement parmi les pires trou d’cul de la terre, avec une mentalité totalement dépassée d’arriérés… mais tout ça n’a rien à voir avec Les Jeux Olympiques. Donc oui, s’il y avait un vote, je dirais d’accord. Ils peuvent avoir les Jeux. Les Jeux c’t’un lobby purement économique et aucunement idéologique. On repassera pour la morale. Si le CIO commençait à faire du chantage sur tous les terrains, y’en aurait pu pantoute de Jeux!

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