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Shakespeare, Anthony Jeselnik – un spectacle sans une seule blague inefficace

Par • 4 novembre 2010 à 9:21

Je l’ai déjà dit et je le répète : l’humour est un vaste buffet. Parmi la grande variété de mets offerts, on peut forcément trouver quelque chose qui nous plaît. Certains aiment la grosse pizza sale tandis que d’autres apprécient les mets plus raffinés.

Pour ma part, j’adore consommer un style d’humour qui pousse dans une direction et qui va le plus loin possible. Comme une poutine extra-sel. L’Américain Anthony Jeselnik personnifie ce genre d’entreprise. Son premier CD, Shakespeare, est un modèle de stand-up à l’américaine.

Le stand-up à l’américaine consiste à passer allègrement d’un thème à un autre, sans se soucier de la continuité ni de la fluidité. Faire rire avec plusieurs sujets différents, enchaînés rapidement. La plupart exploitent un sujet pendant quelques minutes pour ensuite passer à un autre. Certains, comme l’Anglais Jimmy Carr, construisent de courtes blagues autonomes (des « one liners ») et les performent une après l’autre, sans que l’ordre ne soit trop important. Si Jimmy Carr ébahit par le nombre effrayant de gags efficaces qu’il a pu produire au fil des années, Anthony Jeselnik, lui, impressionne par sa constance : aucune blague neutre, chacun de ses gags est bon, voire excellent. S’il était un boxeur, il attaquerait peu souvent, mais toujours avec des uppercuts.

Dans Shakespeare, on peut vraiment être sensible à la force de ses gags, car l’élément visuel ne fait pas obstacle au texte. Jeselnik ne bouge d’ailleurs que très rarement sur scène. Tout passe par la voix, une voix d’hypnotiseur, une voix au rythme lent ponctué de pauses savamment placées pour atteindre l’effet maximum. Et un timing incroyable. Jeselnik joue avec son public, car il sait que son texte est une mécanique bien rodée qui carbure aux petits diamants polis jusqu’à plus soif. Il n’a pas besoin d’un momentum. Il laisse les rires s’estomper après les blagues et il ne repart qu’au silence. Il est également l’un des seuls humoristes à s’autoriser, régulièrement, à prendre des pauses juste avant le punch final. Habituellement, il ne faut pas laisser au public le temps de réfléchir, parce qu’il pourrait voir venir la chute. Avec Jeselnik, il nous surprend à tous les coups.

Écouter Shakespeare est une expérience. On se sent troublé, dérangé par les propos de l’humoriste. Il est d’ailleurs dans les plus hards sur le marché. En fait, il fait exclusivement de l’humour offensant et choquant. Son personnage de scène est misogyne, raciste, impie, imbu de lui-même… et complètement adorable. Il s’amuse souvent à commenter ses gags, à dire à quel point ils sont admirables et parfaits. On a envie de le croire.

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6 Réponses »

  1. Génial ! Je pensais être le seul à connaître. Ramenons-le à Paris.

  2. Mince, vous êtes du Québec. Je pense toujours être le seul français à le connaître dans ce cas…

  3. C’est très possible, surtout que les Français ne sont pas reconnus pour être des fans d’humour américain et british.

  4. I can not read this review. (No abla Espaniol)

  5. @Drizzy : It’s in French. Long story short, I say that it’s flawless.

  6. Sacha, nous sommes maintenant au moins 2 !
    Je viens de découvrir Shakespeare de Jeselnik par hasard sur Spotify et je ris encore…
    Oui, bon d’accord, vaut mieux être un peu anglophone pour suivre, tout de même.
    Je vote pour Anthony à Paris !!!

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