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ÉditorialPuisqu'il y a des choses qui doivent être dites, aussi bien les dire avec une verve franche et directe. Des sujets chauds, traités vivement sans trop de fioritures.

Immigrer en région

Par • 31 janvier 2008 à 14:24

Oui oui on le sait, les régions se vident, les grands centres font le plein. À part certaines parties du Québec à l’extérieur de la métropole (Outaouais, région de Québec, Mauricie et Montérégie), l’exode est généralisé, avec les conséquences économiques – et également émotionnelles – qui s’y rattachent. L’affaire, c’est que c’est pas cool d’aller en région, pas cool d’y rester non plus. Et c’est vrai que des fois, on se demande si les vieux rednecks ne vont pas gagner la guerre du mauvais goût, ce qui peut (je le confirme) pousser des gens à se sauver d’une région. Alors, on fait quoi ? On retient les jeunes de force ? On attribue des réductions d’impôt qui sont davantage des injustices pour les habitants des autres régions que de réels incitatifs à s’établir ailleurs ? Ou bien on fait comme le Lac St-Jean et on essaie d’y faire venir et s’installer des immigrants ? Hum… le problème, c’est que les immigrants savent, eux aussi, que les régions sont pas cool.

 

Pourquoi pas cool ? Parce que l’image qu’on en a est biaisée, même si parfois il s’y trouve certains traits véridiques (personne n’a inventé Hérouxville). Les différents médias y sont manifestement pour quelque chose, ploguant à fond les joyeuses activités du Carnaval et autres péripéties du 400ème à Québec alors qu’on ne consacre que deux minutes au mois de juillet à la compétition d’envergure internationale de la Traversée du Lac St-Jean, une fois que c’est fini (la Traversée a pourtant autant d’éditions sous la ceinture que le fameux Carnaval). Et encore, sur les lieux, on a toujours droit à une espèce de couverture journalistique pittoresque, presque compatissante guimauve. Même chose pour les « rentrées montréalaises » de tel ou tel artiste qui ont alors droit à toute la place dans les chroniques soporifiques du style Virgine Coosa, ou les chroniques showbiz qui parlent de fucking pièces de théâtre au Rideau Vert. On s’en sacre, parce qu’on le sait que c’est une plogue. Pourtant, plein de choses se passent à l’échelle de la province, de l’Abitibi à la Gaspésie, et rien de tout cela n’aura même un dix secondes à LCN ou la moindre mention sur radio-canada.ca.

 

Les régions elles-mêmes sont responsables de leur sort, en partie. On a commencé sur le tard à s’attaquer au problème de l’exode, non, de la fuite massive des jeunes. Création de programmes exclusifs aux cégeps des régions, incitatifs financiers, sensibilisation et autres. Trop peu, trop tard. Évidemment, les régions manquent parfois de moyens, qui sont d’autant plus réduits quand une bonne partie de ta jeune population active quitte tes pénates. Mais la clé de la réussite réside au même endroit que la raison de la création et du maintien de ces mêmes régions : leur dynamisme et leur capacité à s’adapter. Que voulez-vous, il faudra vous enlever de la tête que même si papa maman restent dans leur région, c’est pas suffisant pour nécessairement faire revenir fiston au bercail après son HEC à Montréal. On a voulu que les jeunes travaillent et stressent encore plus fort que leurs parents, eh bien c’est le prix à payer : maintenant, on veut des jobs payantes au meilleur endroit possible. Le p’tit boisé de notre enfance au Lac Saint-Charles, ce n’est simplement plus assez pour avoir envie de revenir « chez soi ».

 

L’extérieur des grands centres a donc encore fort à faire pour séduire les masses de gens qui se pressent pourtant à nos portes. Il faut endiguer un problème d’abord (l’exode jeune) et trouver un moyen de renverser la tendance une bonne fois pour toutes (l’immigration « intérieure », en essayant d’inciter les gens et ceux que l’on a déjà appelés les « Néo-Québécois » à venir s’installer à l’extérieur de Montréal). Énorme défi, qui se résume pourtant à peu de choses, sur papier : rendre les régions attrayantes, parler de ces régions, les désenclaver médiatiquement. Rendre les « régions » cool. On peut bien dire que les immigrants devraient comprendre tout de suite que les jobs équivalentes en région sont aussi payantes, sinon plus que celles de la métropole ; que les gens des régions sont gentils et qu’ils ne passeront pas toute une année à les dévisager, dévorés par la curiosité. Il faut leur prouver, c’est notre priorité, si on veut les voir partout chez nous.

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3 Réponses »

  1. Je crois qu’un facteur déterminant qui incite les immigrants à s’établir dans les grands centres c’est d’être avec des gens comme eux, qui parlent la même langue, ont la même religion…

  2. Je suis d’accord. Et c’est vrai que parfois en région, les gens qui viennent d’ailleurs (en fait, ceux qui sont différents en apparence) se font regarder non pas avec dédain, mais plutôt une curiosité qui peut rendre mal à l’aise. On ne peut pas toujours leur reprocher, c’est une réaction humaine.

    Ceci dit, si nous avons le devoir d’accueillir ces gens qui immigrent chez nous, même s’ils ne sont pas nécessairement tous des « gros plus » pour notre société, eux en retour ont un devoir d’intégration.

    On a souvent parlé des « deux solitudes », le Canada anglais et le Canada français. Je crois maintenant qu’à chaque année qui passe, de plus en plus de « solitudes » se rajoutent.

  3. Jonathan, je trouve ce texte magnifiquement bien écrit. Il est un de mes préférés et mériterait l’éditorial du journal La Presse pour que les Montréalais allument et voient qu’il y a autre chose que leur bulle. Wow, et merci!

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