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Adieu Poulet : Un tandem peu orthodoxe pour lutter contre les magouilles politiques (1975)

Par • 11 septembre 2011 à 8:00

Adieu PouletPierre Granier-Deferre a délaissé le terrain du drame psychologique qu’il a maîtrisé depuis le début de sa carrière, pour répondre ici à l’appel de Lino Ventura, désireux de s’associer avec un réalisateur avec lequel il savait pouvoir être à l’aise pour ce projet de film policier politiquement engagé typique des années 70 en France et en Europe.

Alors que la campagne électorale bat son plein à Rouen, un jeune garçon et un inspecteur de police sont tués au cours d’une bagarre entre colleurs d’affiches. Avant de mourir, le policier a cependant eu le temps d’identifier son assassin: il s’agit de Portor, un dangereux repris de justice travaillant pour Pierre Lardatte, un imposant candidat électoral. Le commissaire Verjeat, un vétéran enquêteur et son jeune adjoint désinvolte Lefèvre, sont chargés de l’enquête. Lardatte prétend tout ignorer de Portor, mais le père du jeune colleur d’affiche tué investit l’Hôtel de Ville avec une arme et accuse publiquement Lardatte d’être le vrai meurtrier de son fils par l’intermédiaire du haut-parleur que Verjeat a volontairement laissé branché au cours des négociations.

Comme Verjeat risque de compromettre toute sa campagne, Lardatte se sert de ses puissantes relations pour qu’il soit muté à Montpellier. Verjeat, avec la complicité de Lefèvre, imagine de se faire alors faussement accuser de corruption pour pouvoir rester en ville et achever son enquête. Une opération spectaculaire est ensuite dressée pour capturer Portor, mais il parvient à s’échapper. Un peu plus tard , Portor s’introduit chez Lardatte et le prend en otage. Contacté pour raisonner le gangster, Verjeat refuse d’intervenir arguant de son illégitimité territoriale et laisse l’affaire entre les mains de Lefèvre.

Le scénario imaginé par Francis Veber détourne assez habilement l’idée de départ du roman d’origine écrit par Raf Vallet, afin de l’adapter à la personnalité de la vedette tout en s’inspirant d’un fait divers, soit le meurtre d’un colleur d’affiches à Puteaux pendant une campagne électorale. La désinvolture de Patrick Dewaere dans le rôle du jeune acolyte Lefèvre, amène à la fois un amusant contraste et une superbe complémentarité avec le caractère buriné de Ventura, si bien que ceux-ci forment certainement l’un des meilleurs duos de flics de l’histoire du cinéma policier français.

À cet égard malgré le talent que l’on connait chez Veber dans l’écriture comique, l’inclusion de touches d’humour loufoques dans le scénario s’avère assez inattendue, étant donné le réalisme du sujet portant sur les difficultés posées par les pressions politiques sur les policiers dans l’exercice de leurs fonctions. Cela n’empêche pas le récit de contenir des rebondissements imaginatifs et une conclusion astucieuse au ton désenchanté.

Mais si l’histoire est à la hauteur des attentes, surtout par son côté subversif, on ne peut pas en dire autant de la mise en scène qui ne fait pas montre de la même rigueur. Visiblement pas entièrement à l’aise, Granier-Deferre a tendance à précipiter un peu trop vite les événements en enchaînant sans fluidité naturelle les scènes; le montage expéditif aux coupes parfois brutales en témoigne. Par ailleurs, la direction-photo n’est pas aussi soignée que dans ses autres films car la tonalité des lumières et la texture des couleurs changent parfois d’un plan à l’autre sans raison, bien que la copie remasterisée sur DVD camoufle quelque peu ce défaut technique.

Ceci étant dit, la vivacité du rythme d’ensemble compense largement toutes ses lacunes, de même que la conviction des acteurs dans leur jeu. La pertinence du propos, toujours d’actualité, portant sur la dénonciation des magouilles d’influences politiques dans les cités urbaines démontre qu’ADIEU POULET est un classique qui a magnifiquement vieilli et que ce genre de film aux opinions tranchés nous manque cruellement aujourd’hui.

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